Cinémaaa! (PV: Warui)[clos]

Je me regardais une dernière fois dans le miroir avant de partir. J’étais bien maquillée, mes cheveux correctement coiffé et habillé plutôt simplement : un pantalon classique noir et un t-shirt serré rouge, j’avais pris soin de mettre un soutien-gorge rembourré pour combler ma poitrine inexistante. Enfin passons... J’étais parée à y’aller !

« Ikuzo !* » lâchais-je pleine d’entrain avant d’y aller.

Aujourd’hui j’avais prévu d’aller au cinéma ! Histoire de changer un peu de décor. J’avais décidé d’aller voir une comédie romantique dont j’avais vu les extraits à la télé et lu quelques critiques assez positives dans les magazines alors je me suis dit : « Pourquoi pas ? »

Une petite sortie ne pouvait pas me faire de mal ! Au contraire, cela ne pouvait me faire que du bien de prendre l’air, de voir du monde ! Même si j’aurais quand même préféré y aller accompagner… J’avais essayé de contacter Mina pour lui proposer de venir avec moi mais malheureusement je n’étais pas parvenue à la joindre. Mais j’avais vraiment envie de voir ce film alors je n’allais pas me laisser découragée juste parce que j’y allais seule, ne ?

Qui sait peut-être qu’un jour Sven m’inviterait au cinéma ? Oh oui ce serait le rêve ! Dans ce cas je choisirais de regarder un film d’horreur comme ça je pourrais me jeter dans ses bras à la moindre occasion et ça passera certainement mieux ! Et peut-être qu’après il m’emmènerait au restaurant pour me consoler ?
Tandis que je rêvassais, j’arrivais devant le cinéma et achetais mon ticket pour la prochaine séance.

Hm… Il me faudrait attendre un assez long moment avant que celle-ci ne commence. Inutile d’attendre bêtement devant la porte de la salle ! Je décidais donc d’aller faire un petit tour dans les boutiques à proximité puis après un moment, je décidais de sortir. J’étais fière de moi car j’avais résisté à la tentation de dépenser mon argent en bêtises bien que les petits accessoires qu’ils présentaient étaient tout kawaii* !

N’ayant pas de montre, j’interpellais un passant dans la rue, un homme d’un certain âge, afin de lui demander poliment l’heure. C’est que ça aurait été stupide que je rate mon film ou que j’y aille déjà pour devoir attendre… Du coup, je préférais simplement demander l’heure en me disant que m’offrir une montre ne serait pas du luxe. Ah ! Mais j’aurais pu regarder l’heure affichée sur l’écran de mon téléphone portable ! Demoo* je n’y avais pas pensé sur l’instant… Quelle tête de linotte je faisais, tout de même ! Enfin qu’importe, ce qui est fait est fait et puis je n’aurais qu’à y penser la prochaine fois ! N’empêche que m’acheter une montre serait bien pratique car au moins, je n’aurais pas besoin de sortir mon téléphone portable de mon sac à main pour savoir l’heure !

* Ikuzo = c’est parti
* Demo = mais, cependant
* Kawai = mignon

9:30. Pas une heure tardive en elle-même mais je n'avais pas dormi depuis trois jours.

Il y avait d'abord eu ma rencontre avec Ninse, au centre commerciale, puis ma longue attente devant le bristol, juste le lendemain.

Néo m'obsédait. J'avais passé toute la nuit à penser à lui et au fur et à mesure que je m'égarais dans les arcanes de mes pensés, le sommeil renonçait peu à peu à cette douce emprise qu'il aurait eu sur moi.
Le monde me semblait si lent! Et mes longues attentes au sommet de la Tawa(*) ne faisait rien pour lui redonner ces quelques infimes touches de réalité que j'y décelait autrefois.

La veille, j'avais fait de longues recherches sur Raizen World et sur ses personnages.
J'en été arrivé à un point où le jeu m'obsédait. Il était devenu omniprésent en moi. Je devais m'y plonger le plus possible.
Les IAI ne cessaient de me hanter. Je les voyais partout, dans la rue, à travers ma fenêtre. Il fallait que je les distingue des autres tokyoïtes. Il fallait que je les isole.
Ils étaient devenu ma raison de continuer. Ils étaient les seuls à pouvoir me mener jusqu'à mon but. Ils étaient devenu la clef de mon tourment.
Pour moi désormais il n'y avait plus que Néo et le jeu.
Des phrases sans grand sens tournoyaient dans ma tête. Des bribes de sites internet ou des manuels d'explication du jeu:

"Méfiez vous en traversant les terres de Raizen World, les géants rodent, ils font trembler la terre!"

"Vous reconnaitrez les démons à leurs deux rangées de grandes dents..."

"Prenez un elfe dans votre guilde. Les elfes savent comment soigner." ...

Les mêmes phrases encore, tourbillonnaient dans mon esprit.

Je n'avais pas dormi. Depuis trois jours.

Les lumières de la ville glissaient sur mon par-brise et la mairie était en vue.
Sakura m'avait appelé, si excitée. C'était étrange.
Elle m'avait supplié de la voir tout de suite.
J'avais abandonné tout espoir de repos. Je me trainais, comme un zombie, vers cette nouvelle qui, au moins, promettait d'être bonne.
Peut être que Lovick avait mordu à l'hameçon. Peut être que mon piège avait fini par fonctionner.
De toutes façons, j'allais bientôt le découvrir, la mairie n'était plus qu'à quelques pas... j'y étais.

"L'heure?"
*L'heure?*

L'heure qu'il était? Vraiment!
Jusqu'au milieu de la rue, on venait m'ennuyer maintenant!

*Pourquoi me déranger pour des sujets aussi futiles?*

Cette jeune femme n'avait-elle donc jamais songer à s'acheter une montre!

*Cette jeune femme? Non!*

Je pris le temps de me poser, juste quelques secondes, pour examiner l'énergumène qui me demandait l'heure.
Un homme sans nul doute mais avec une telle paire de seins!
Ils n'étaient pas vrais.

*Pas possible!*

Ils étaient faux.

Ses cheveux étaient rouges et, sans doute, délicats. En incroyable opposition avec la taille ahurissante de ses dents.
Oh mon Dieu ses dents!
Un homme! Un homme! Cette femme était un homme! Ses dents l'avaient trahie!

J'eus du mal à me contenir, à éviter d'exploser de rire.
J'indiquai courtoisement: « 9:30 ».
Puis je repris mon chemin en jetant un dernier coup d'œil au spécimen...

Un travelo et un beau. Un beau travelo, yatta! Il m'avait permis d'oublier mon état. Mais juste pour quelques minutes.

Il était 9:30. Pas une heure tardive en elle-même mais je n'avais pas dormi depuis trois jours.
Je n'avais pas dormi. Depuis trois jours.

Des phrases sans grand sens tournoyaient dans ma tête. Des bribes de sites internet ou des manuels d'explication du jeu:

"Méfiez vous en traversant les terres de Raizen World, les géants rodent, ils font trembler la terre!"

"Vous reconnaitrez les démons à leurs deux rangées de grandes dents..."

"Prenez un elfe dans votre guilde. Les elfes savent

...

*Un instant...*
"Deux rangées de grandes dents!"

Je rebroussai chemin. Où était-elle passée! Elle était là, forcément, dans la foule, quelque part!
De longs cheveux fins et rouges.

"Attendez! criai-je. ATTENDEZ MOI!"

J'arrivai enfin à sa hauteur. C'était bien elle. Et elle avait bien l'air d'un authentique démon.

"Les... les lumières de la villes sont magnifiques ce soir, non? Vous savez, ce que j'adore, moi, c'est trainer la nuit dans les rues de Tôkyô."

Il la fixa un instant, il prit le temps de penser. Elle avait l'air perplexe. Comment allait-elle réagir à ce changement brutal?

"Euh... ce que je veux dire c'est... euh, dites-moi, accepteriez-vous qu'un vieux bonhomme comme moi vous tienne compagnie pour un soir?"

Il fixa ses yeux.

*Allez, trésor, je t'en supplie, dis "oui"!*

Spoiler:

L’homme à qui j’avais demandé l’heure répondit à ma question avant de reprendre sa route, je le remerciais poliment et poursuivis mon chemin en songeant qu’il me fallait encore attendre avant de pouvoir aller voir mon film. Quel ennui ! Et si je m’offrais une glace ? Au moins ça tuerait le temps !

*Oh oui une glace !* pensais-je joyeusement tout en avançant dans la rue à la recherche d’une petite épicerie ou d’un de ces petits supermarchés ouvert vingt quatre heure sur vingt quatre.

Ce n’était pas ces petits magasins qui manquaient à Tokyo ! Alors je ne désespérais pas d’en trouver un à un moment ou à un autre. Je marchais donc tout à mon aise lorsque j’entendis quelqu’un appeler « attendez-moi ». Je ne me retournais pas, ne songeant pas un seul instant que ce soit moi que l’on puisse interpeller. Qui et pour quelles raisons le ferait-on ? Il y’avait bien Sven ou Mina mais j’aurais reconnu leurs voix.

Pourtant, je ne tardais pas à le découvrir, c’était bien moi qu’on appelait ainsi. Il s’agissait de la personne à qui j’avais demandé l’heure. Je le fixais la mine étonnée. Avait-il perdu ou oublié quelque chose ? A moins que ce ne soit l’inverse ? Mais je ne pensais pas avoir perdu quoique ce soit, tout était bien rangé dans mon sac à main.
Il se mit à me parler des lumières de Tokyo qu’il trouvait magnifique et qu’il adorait traîner dans Tokyo la nuit.

*Anooo…**

Je ne savais pas trop où il voulait en venir, pourquoi me disait-il tout ça ? Il hésita un moment avant de me demander si j’acceptais qu’il me tienne compagnie pour un soir. AAAAAAAAAHH ! C’est pas vrai ?! Est-ce que je me faisais draguer par un vieux pervers ? Mais pourquoi fallait-il que ça m’arrive ? Si au moins ça avait été un beau et charmant jeune homme ! Bouhouuu pourquoi fallait-il que ça me tombe dessus ?
Demoo… Je me faisais peut-être de fausses idées, peut-être que tout simplement cet homme se sentait seul et espérait passer du temps en compagnie de quelqu’un sans aucune arrière pensée ? Après tout, ça je pouvais bien le comprendre. Moi-même j’en avais assez de la solitude, d’ailleurs, c’était pour cela que j’avais décidé d’aller au cinéma ! Au moins ça m’évitait d’être enfermée toute seule chez moi. Sans doute en allait-il de même pour ce monsieur ?

« Bon, c’est d’accord. » répondis-je en souriant après réflexion. « Maiis n’allez pas vous faire de fausses idées hein ! Je veux bien vous tenir compagnie mais rien de plus ! »

Au moins c’était clair ! De toute façon, ce n’était pas comme si je ne savais pas me défendre dans le cas où il tenterait quoique ce soit ce que je n’espérais quand même pas. J’informais cependant l’homme que j’avais prévu d’aller au cinéma et que j’attendais l’heure de la séance avant de pouvoir y’aller.

« Là, j’avais l’intention d’aller chercher une glace… Vous en voulez une, vous aussi ? »

Ce n’était pas comme si j’allais me ruiner à lui offrir une glace au supermarché et puis ça lui ferait sans doute plaisir que je le lui propose.

* Ano = euh

Visiblement, cet homme, ce n'était pas n'importe quelle femme.
Elle semblait, au final, dégager une certaine classe, une distinction très spéciale, qui résidait dans le simple fait de refuser de s'abandonner au premier venu et, en particulier, à un vieillard tel que moi.
Pourtant, il fallait que je la conquiert. Je devais me l'approprier.
Me lier d'amitié avec une IAI pouvait tellement faciliter mes plans!
Quelle frustration! La séduire était d'abord apparue comme une peine tellement simple.
Au lieu de cela j'allais devoir me montrer bienveillant et courtois. Prévenant... Quelle perte de temps!

Au moins, ma fatigue s'était-elle estompée. Ma surprise et ma joie m'avaient ramené de ma torpeur.
J'oubliai ma peine. J'oubliai Sakura. J'oubliai son appel. Et j'oubliai le monde, partout autour de moi.
Il n'y avait plus qu'une seule chose qui m'occupait désormais: me concentrer sur mon démon.
Il fallait que je la rassure. Je devais lui montrer qu'elle n'avait rien à craindre de moi.
Je m'inclinai maladroitement.

"Veuillez excusez, mademoiselle cette impudence à votre égard et je ne vous veux aucun désagrément, bien sûr. C'est seulement que je me sentais abandonné ce soir et vous, vous me rappelez tellement ma fille.
Alors quand vous m'avez demandé l'heure, j'ai tout de suite eu envie de vous faire la conversation. Mais je ne l'ai pas osé.
J'ai continué ma route, oui, mais bien à contre-cœur et puis, retrouvant ma solitude, j'ai regretté mon choix. Je me suis armé de courage et je suis revenu vous parler.
Mais ne m'en veillez pas pour ça, d'accord?"

Pour crédibiliser ce discours, j'y ajoutai l'un de mes doux sourires de bon papi-gâteau.
L'un de ceux qui, quoi que j'eus dit, aurait toujours eu l'air sincère.

La jeune femme me demanda si j'accepterai, par hasard, qu'elle me paye une glace.

"Iie(*1), hors de question. J'ai un principe auquel je tiens. Celui de ne jamais laisser payer les gens que j'interpelle au beau milieu des rues.
Mais j'adorerai une glace. Je vous invite. D'accord?
Celle de Shippu Shirondo sont un véritable délice. De l'or à l'état pur!
Oh, mais c'est vrai, peut être ne le connaissez-vous pas: c'est un glacier de Chiyodaku(*2), juste à côté du palais impérial. C'est vrai que c'est assez loin d'ici, mais en prenant le métro nous serons probablement de retour pour la séance de 11heures."

Je forçai sur mon sourire et, pour faire croire à une gène sincère je passai ma main juste derrière ma tête.

"Et puis, vous pourriez me parler de vous sur la route, nous ferions un peu plus connaissance. Héhé...
Mais c'est vrai, qu'elle âne je fais, je ne me suis même pas présenté. Je m'appelle Warui Nataku, maire de l'administration de Shinjyuku(*3). Mais appelez moi par mon prénom.
Et vous, vous appelez-vous comment déjà?"

Spoiler:

Le pauvre vieil homme me faisait de la peine. Lui aussi était tout seul et en plus je lui rappelais sa fille… Je me demandais si c’était mieux de n’avoir absolument personne ou de se rappeler de quelqu’un ? Difficile à dire... Enfin, maintenant, ce n’était plus comme si j’étais totalement seule ! J’avais Mina et Sven. Mais maintenant, l’idée de les perdre d’une quelconque façon me faisait peur, ce qui ne m’aidait pas plus à trouver le sommeil la nuit.

Le grand-père refusa mon offre, préférant m’inviter, lui. Au moins, il était galant ! Le seul soucis c’est que là où il voulait m’emmener, il fallait y aller en métro et je risquais bien de rater ma séance de cinéma… Cependant, il me rassura en me disant que je pourrais toujours aller à la prochaine séance. Moui mais que ferais-je de mon ticket actuel ? Cependant, ce papi me faisait un peu de peine… Je ne me fis donc pas prier et décidais d’accepter.

Le vieil homme se présenta, il s’appelait Warui Nataku mais il m’autorisa à l’appeler par son prénom. Pour ma part, je n’avais pas de nom de famille. Peut-être devrais-je songer à m’en trouver un, un jour ? Ou bien si je me mariais, je porterais le nom de mon époux ! « Akai Lovick » ça sonnait plutôt bien ! Demoo… Il était peut-être un peu tôt pour parler de mariage, on n’avait encore rien fait ensemble à part une sortie qui était en même temps le jour de notre première rencontre. Mais je ne désespérais pas ! Un jour, je sortirais avec lui et ensuite il me demanderait en mariage ! Et ce serait certainement le plus beau jour de ma vie !

Mais assez rêvassé ! Je me présentais à mon tour à Warui-san :

« Hajimemashite ! Watashi wa Akai desu. »

Je m’inclinais poliment comme le voulait l’éthique japonaise. Toujours souriante, je déclarais :

« Bon eh bien je vous suis alors ! »

Je n’étais jamais aller chez le glacier qu’il m’avait cité et ne savais pas où cela se trouvait donc, il fallait bien que je me laisse guidée. D’après lui, ces glaces étaient de l’or à l’état pur. J’avais hâte d’y goûter, aussi le lui fis-je savoir !
En tout cas, si ce qu’il disait était vrai, alors je pourrais peut-être y emmener Sven et Mina un de ces jours !

Tandis que nous marchions, une question qui me turlupinait, aussi la posais-je à Warui :

« Ne, ojiisan*... Ca vous arrive souvent de traîner dans les rues de Tokyo le soir à des heures tardives ? »

C’est qu’au fond, je m’inquiétais un peu pour ce pauvre vieillard…

* Hajimemashite ! Watashi wa Akai desu = Enchanté(e)! Je m'appelle/Je suis Akai.
* Ojiisan = grand-père, vieil homme

Oui et non, répondis-je, en tous cas jamais en aussi belle compagnie."

*Peut être trop poussé le compliment.*

"Vous savez avant de m'installer à Tôkyô, je vivais à la campagne, où les nuits étaient noirs.
Je crois, à dire le vrai, que plus personne ne s'aventurait hors de chez lui, passé neuf heures du soir."

Je fis le premier pas de notre balade et invitai, d'un geste courtois, Akai à me rejoindre.

"Ici, en ville, les choses sont différentes. Les rues grouillent de monde à toutes heures de la nuit. J'aime bien m'y promener.
Vous savez on s'y sent si... vivant. Entouré de tous ces gens et pourtant tellement seul, baigné de lumière et pourtant dans le noir... Cela résume bien notre vie, non?"

Je me surpris à sourire, mais cette fois pour de vrai.

"Alors, on se traine le long des rues, on s'y attarde, on y flâne. On essaie de découvrir toutes les merveilles de la nuit. On y redoute le jour et ses rayons révélateurs. On aimerait toujours que Tôkyô reste dans cette état-là. Si bruyante et silence. Baignée de doutes et de mystères. Mais voilà, l'aube approche. Cette fin maudite que l'on redoutait tant.
On se presse alors. On s'agite. On se bouscule. On examine les autres en quête de plaisirs. En quête de tendresse. En quête de douceur.
Oh, n'y voyez rien de... d'inconvenant, je parle d'amitié.
Mais il n'empêche que l'on cherche... On cherche. Une âme sœur, peut être, quelques part, dans la ville. Quelqu'un pour se souvenir de nous, en cette nuit, à Tôkyô. Et puis parfois on trouve. Quelqu'un que l'on ne reverra, probablement jamais, mais avec qui on décide de passer un moment. Pour oublier l'avenir. Pour oublier le jour... ce jour qui... sans arrêt, s'approche et nous déroute..."

Je me stoppais alors et fixais Akai. J'avais parlé beaucoup. Le métro était proche.

*Pour oublier le jour... mais pour qui va-t-elle me prendre?*

Un romantique. Sentimental. Un tordu ou un pervers.
Je lui fit voir ma gène.

"Mais je parle sans m'arrêter, excusez-moi Akai. C'est qu'à mon âge on a plutôt du temps pour penser, et ce même en étant le maire de Shinjyuku. Et on parle, on parle beaucoup. Surtout, lorsque nous autres, les vieillards, nous avons la compagnie d'une douce et naïve jeune fille..."

Je posai mon index sur ma tempe et je tirai la langue.

"Byha... Enfin, je ne parlerai plus. Non. Nous allons juste passer un moment ensemble d'accord. Pour se souvenir l'un de l'autre et oublier l'avenir."

La cuillère en plastique s'enfonça, délicatement, jusque au cœur de la crème glacée. J'affichai une mine réjouie avant de plonger le délice, droit, au fond de ma gorge.

"Mm! Shippu Shirondo! Ne vous l'avais-je pas dit? Les meilleures glaces de tout Tôkyô. Mm! Shippu Shirondo !"

J'avais choisi une glace au thé vert: ma favorite. Un goût irrésistible et une douceur sans nom. J'avais laissé mon invitée décider du parfum qu'elle goûterait, puis, lui avait proposé de déguster nos glace en parcourant Hibiya Kôen(*).
Chocolat, vanille, amandes, noisettes, caramel, crème anglaise, tous les parfums y étaient, allant de l'universel, citron, fraises ou fruits des bois au typiquement nippon, morceaux entiers de haricots rouges.

Les lumières du ciel descendaient sur la rue, bien plus clame et plus sombre que les places du centre-ville. La soirée commençait peut être réellement à devenir plaisante.

Je pris une nouvelle bouchée de la douce crème au thé verte et ne pouvant attendre d'avoir finit de l'avaler, je me tournai vers Akai et je lui demandai, concerné, voir pressant:

"Mais dites-moi, et vous? Vous ne m'avez pas parlé de vous? Avec qui ai-je l'honneur de passer la soirée? Une femme exceptionnelle je n'en doute pas, bien sûr, mais qu'elle est votre histoire? Que faites-vous à Tôkyô?"

Spoiler:

En tout cas, Warui savait parler aux femmes mais sans doute en faisait-il un peu trop… J’aurais tellement préféré que ces mots sortent de la bouche d’un bishos ! Enfin qu’importe… Le vieil homme se mit alors à me parler de lui, avant de s’installer à Tokyo, il vivait à la campagne. C’est vrai qu’en y pensant, je n’avais encore jamais quitté Tokyo. Ca pourrait être bien une petite randonnée à l’extérieur de la ville, non ? Ou une visite à Kyoto ! J’avais vu un reportage sur cette ville à la télé. C’était tellement joli ! J’aimerais bien y aller un jour ! Ah mais, je pourrais peut-être demander à Sven de m’accompagner ? Ce serait génial ! Demoo… Il travaille tellement, sans doute refuserait-il… Mais ça ne me coûtait rien d’essayer !

Warui continuait à parler, de la ville dans laquelle on se sent à la fois entouré et seul, le soir où se mêlaient ombres et lumières. Cette ville où pour combler la solitude on cherche quelqu’un pour se prouver qu’on existe. Une histoire d’un soir, sans lendemain. Ca m’était déjà arriver, passer des nuits avec des hommes que je n’avais plus jamais revu ensuite. Mais je m’étais vite lassée parce que ce n’était pas ce que je cherchais. Ce que je voulais moi c’était quelqu’un sur qui me reposer, quelqu’un qui m’aimerait à ma juste valeur, avec mes qualités et mes défauts, quelqu’un sur qui je pourrais compter, quelqu’un à aimer…
Je l’écoutais parler et me retrouvais dans ses propos. Au fond, nous n’étions pas si différent.

Puis soudainement Warui-san parut gêné de toutes ses confidences et s’en excusa.

« Mais non vous n’avez pas à vous excuser ! » le rassurais-je.

Quand nous arrivâmes chez Shippu Shirondo, je commandais une crème glacée à la fraise. Ojiisan me proposa de déguster nos glaces au parc. Ce que j’acceptais volontiers. Nous marchions lentement, l’un a coté de l’autre. Tandis que je savourais ma glace Warui-san m’encouragea à parler de moi. Il me demanda quelle était mon histoire et ce que je faisais à Tokyo.

Voilà qui était ennuyeux, je ne pouvais pas crier sur tous les toits que j’étais une IAI même si parfois je le laissais savoir mais ça c’était surtout quand j’étais énervée et que j’utilisais mon arme ou mes pouvoirs sans réfléchir. C’est que parfois j’étais trop impulsive… Mais maintenant, je faisais des efforts pour ne pas tronçonner ou cramer publiquement les gens qui m’énervaient comme Sven me l’avait appris ! Je ne voulais pas finir en prison ni même qu’il ait des ennuis à cause de moi, alors il fallait bien que je prenne sur moi. En tout cas, je faisais de mon mieux pour m’y appliquer même si parfois faire de son mieux ne suffisait pas…

« Mon histoire n’est pas bien différente de la votre, tout comme vous, je cherche parfois un peu de compagnie dans les rues de Tokyo. La plupart du temps je suis toute seule chez moi à regarder la télé ou à lire des magazines, alors de temps en temps, je sors, de jour comme de nuit, pour voir du monde et me sentir vivante. Ma vie n’a rien de bien passionnant, je suis sans emploi et je passe la plupart de mon temps à faire les magasins ou à déambuler dans les rues quand je ne suis pas chez moi… »

Je marquais une courte pause avant d’ajouter en souriant :

« Mais je rêve d’être actrice de cinéma un jour ! »

Au moins, j’avais un rêve auquel m’accrocher.

Spoiler:

*Mais je rêve d'être actrice de cinéma un jour... Ça y est.*

Mon grand jeu d'acteur, à moi, était sur le point de commencer.
Je posai ma glace sur un banc, me tournai vers Akai, en faisant mine de vouloir lui prendre ses longues mains froides.
Ce n'est qu'au dernier moment que je me retint.
Je fis mine d'hésiter. Puis je levai la tête et fixait la jeune femme.
Elle ne pouvait pas voir mes yeux à travers mes lunettes noires mais au grès des simples traits de mon visage, elle pouvait deviner toute la tristesse des laissés pour compte.
Je baissai de nouveau la tête, puis d'un air misérable, presque au bord des larmes, je lui avouai:

"Ma fille, elle, rêvait d'être danseuse."

Je n'avais pas de fille.

"Il y a trois ans déjà que nous ne nous sommes plus donné de nouvelles. Elle est peut être triste. Ou peut être est-elle heureuse. Le pire serait qu'elle soit heureuse."

*Oh, non, voilà le moment où je passe pour un monstre. C'est l'un des plus critique: celui au cours duquel je risque de perdre toute audience.*

Mais il fallait bien cela, pour prétendre être humain.

"Je n'ose imaginer qu'elle soit heureuse, si loin de moi. Moi je suis anéanti. Sans entendre sa voix, sans entendre son rire, je ne peux plus prétendre qu'à être l'ombre de moi-même. Alors que son rire raisonne pour d'autres... je ne pourrais le supporter.
J'ai ce désir, égoïste certes, mais typiquement humain, de ne vouloir voir les gens que j'aime, nul part, sinon autour de moi.
Je veux les épauler. Je veux les supporter. Je veux être là pour eux. Mais je veux également, que eux soient là pour moi.
Mon amour, bien sûr je veux la voir heureuse; mais heureuse avec moi."

Je me courbai un peu plus pour laisser paraître une honte jouée. Je relevai les yeux pour cherchai ceux de Akai.
Que pensait-elle de moi?

"Est-ce un crime, mon amie, de vouloir être avec ceux que l'on aime? Nous sommes déjà si seuls dans cette vie, ici bas. Ne souhaiteriez-vous pas, parfois, rejoindre vos parents?"

Et voilà le moment le plus délicat. Je devais la regarder dans les yeux, anticiper ce à quoi elle pensait, prétende l'avoir lu en elle. C'était l'instant où, si elle ne mentait pas, j'allais savoir qui elle était vraiment: humaine ou IAI.
Je pris une voix très douce, pour qu'elle ne se sente ni brusquée, ni accusée. Une voix toute prévenante, toute compatissante.
En me mordant la lèvre je lui dit tristement:

"Oh... mais vous n'avez pas de parents, n'est-ce pas?"

Spoiler:

Après cette confidence, je continuais de déguster ma glace avant de déclarer gaiement :

« En tout cas, vous avez raison, cette glace est délicieuse ! Je n’en avais jamais mangé d’aussi bonne ! »

Du coup ça valait peut-être le coup d’avoir raté ma séance au cinéma. Cependant, je remarquais que l’homme avait posé sa glace et il fit mine de vouloir me prendre les mains avant de s’y abstenir. Je le regardais perplexe pourquoi avait-il cet air si malheureux tout à coup ? Mais la suite l’expliqua : sa fille rêvait de devenir danseuse.

Je l’écoutais me dire qu’il n’avait plus de nouvelle de celle-ci depuis près de trois ans. Il se demandait si elle avait de la peine ou si elle était heureuse. « Le pire serait qu’elle soit heureuse. » Pourquoi disait-il ça ? Un père n’était-il pas censé être heureux du bonheur de sa fille ? En tout cas, c’est ce que j’avais appris dans les dramas. Je le fixais, perplexe, impatiente d’entendre la suite.

Et la suite, je la comprenais. Il voulait la voir heureuse mais heureuse avec lui. C’était égoïste, certes mais qui ne l’était pas ? Il me demanda alors si c’était un crime de vouloir être avec ceux que l’on aime. Puis, il me demanda si je ne souhaitais pas rejoindre mes parents. J’allais lui répondre, essayer de lui remonter le moral, de l’encourager à reprendre contact avec sa fille mais sa dernière phrase me coupa dans mon élan.

Cela laissait clairement sous-entendre qu’il me suspectait d’être une IAI. Que répondre à ce grand-père ? Ignorer sa remarque ? Admettre que j’étais originaire de Raizen World ? Et si du coup son comportement vis-à-vis de moi changeait ? Il y’avait après tout beaucoup de monde qui était hostile à l’égard des IAI. J’avais même vu quelques débats sur Internet à ce sujet et ce n’était pas toujours gai à lire…

« Qu’est-ce qui vous fait croire ça ? » demandais-je.

C’est vrai que je n’avais pas de parents. J’avais un créateur ou une créatrice je ne sais pas. Mais ce n’était pas si différent non ? Et puis qu’est-ce que ça pouvait faire ? Que j’en aie ou pas, ça ne changeait rien, j’étais là et c’était tout ce qui importait.
Et puis même s’il apprenait que j’étais une IAI qu’allait-il faire ? Contacter Sven ? Au fond ce ne serait pas plus mal ! Au moins, ça me donnerait l’occasion de le voir ! Il était si absorbé par son travail… Mais je savais aussi que tous les humains ne prenaient pas la peine de contacter le maire et que certains n’hésitaient pas à éliminer les IAI. Evidemment, je pouvais me défendre mais… ce n’était pas gai de tout le temps devoir se défendre justement.

J’essayais d’éviter le sujet, s’il se doutait que j’étais une IAI, je n’avais pas envie de le lui confirmer pour autant :

« A propos de votre fille, pourquoi n’essaieriez-vous pas de reprendre contact avec elle ? Vous pourriez l’appeler, non ? »

Vais-je faire irruption?

Résultat : 8

... Non... Dommage... Une prochaine fois peut-être...

Spoiler:

Akai avait l'air pensive, songeuse, méfiante.
Elle n'osait pas me révéler la vérité. Qu'importe, une confidence aurait certes améliorer nos rapport mais elle n'était pas indispensable. Pour l'heure, il fallait juste que je lui plaise, il fallait que je l'examine et que je l'imite, pour que chacune de mes réponses lui convienne, pour qu'elle se reconnaisse en moi.
Si telle était le cas, j'aurais réussi à gagner sa confiance et si je gagnais sa confiance, mes plans s'en trouveraient simplifiés.
Elle ne voulait pas répondre à ma question, ce n'était pas un problème, mais le problème, le vrai danger, était qu'elle commençait à se méfier, à remettre en question notre complicité. Il fallait que cela cesse. Tout de suite. Je devais lui montrer que démasquer un IAI n'était pas ce qui me motiver.
Plutôt facile: j'avais un don pour le mensonge.

Lorsqu'elle me demanda: « Qu’est-ce qui vous fait croire cela ? », je répondis tout simplement: « vos yeux, ma chère. Vous avez les yeux et le regard des orphelins.». J'allais continuer mais, apparemment indifférente à ma réponse, Akai m'accabla d'une nouvelle question:

"A propos de votre fille, pourquoi n’essaieriez-vous pas de reprendre contact avec elle ? Vous pourriez l’appeler, non ?"

*Réfléchis, Warui, dépêche-toi de trouver une réponse... une toute bête, s'il te plaît. La plus simple sera la bonne.*

"La politique."

*Yatta.*

Je m'assis sur le banc et je croisai mes mains; comme s'il m'était venu la fantaisie d'implorer Dieu.

"Nul ne sait que je suis père. Lorsque j'ai débuté en politique et que mes conseillers ont eu vent de mon passé, ils m'ont tout de suite avisé d'effacer toute trace de ma fille. Oh, non pas par honte, bien sûr, mais tout simplement pour protéger la petite."

Un sourire nostalgique vint maquiller mes lèvres.

"Les enfants sont si fragiles."

Je marquais alors une pause. Il faut toujours en marquer une après les mièvreries sentimentales.

"Je défends des idées qui peuvent ne pas plaire à tout le monde. On pourrait s'en prendre à elle. Oh, je sais que pour certains les menaces liées aux enjeux politiques font partie de la fiction, mais croyez-moi, elles sont réelles.
Mon cheval de bataille réside dans la lutte contre la politique individualiste de notre maire, monsieur Lovick et les faits sont là: Sven Lovick tue des gens.
De mystérieuses disparitions accablent parfois les familles de ceux qui lui font obstacle.
L'un de ses tueurs les plus performant s'appelle Neuro: un IAI, grand amateur de chaire humaine(*1).
Oh, je n'ai rien contre les IAI, loin de là, je prône d'ailleurs leur recensement et leur intégration dans la vie de Tôkyô.
Pour moi, je l'admets, les IAI ne devraient pas avoir à vivre cachés. Ils ne devraient pas se faire passer pour de simples humains.
Et il est vrai que nous devrions accepter les IAI pour ce qu'ils sont: l'un des reflets de l'âme humaine.
Mais, dans le cas des IAI dangereux, comme celui de Neuro, nous devrions leur apprendre à s'adapter au monde. Nous devrions leur montrer comment concilier leurs désirs personnels et la morale indispensable au bien commun."

Je ne quittais plus Akai des yeux. Elle était peut être blessée d'apprendre ce que je lui racontais à propos des IAI violents. Après tout, si j'avais raison, elle-même avait déjà tuer pas mal de monde.

"Est-il normal de tuer les autres juste parce qu'ils nous dérangent?
Je ne sais pas. On ne devrait jamais fermer les yeux sur le meurtre de qui que ce soit, puisque cette acte, destructeur, accable encore d'autres personnes. Lorsque une personne meurt, que ce soit un humain ou un IAI, même si vous ne la connaissez pas, est-ce que sa mort ne vous affecte pas? Si, bien sûr que oui, c'est comme ça, tout le monde est affecté par la mort, on n'y échappe pas. Chaque disparition aura le pouvoir d'accabler de douleur et de peine encore d'autres personnes. Vous n'êtes pas d'accord avec moi?"(*2)

Cette fois j'osai prendre la main d'Akai. Sans tenir compte de sa réaction, je continuais:

"N'y a-t-il pas des gens qui compte pour vous? Que ressentiriez vous si, du jour au lendemain, ils se retrouvaient exposés, à cause de vous et que quelqu'un, comme le maire, décide de les faire taire?
Pourriez-vous vivre avec l'incroyable douleur qu'imposeraient leurs absences?
Accepteriez-vous de vous retrouver seule face au poids de leur perte?
Certaines personnes, comme ce Neuro ou encore monsieur Lovick ne semble pas attacher autant d'importance à cet aspect sacré de la vie, quelles qu'elle soit.
Oh, je ne les condamne pas, au contraire, je les comprend et je les plains.
Pour moi ces personnes ne méritent pas d'être puni, cela n'aurait aucun sens, mais je voudrais seulement pouvoir leur ouvrir les yeux.
Ils sont comme des orphelins, perdus dans la nuit et qui, puisqu'ils acceptent l'idée de tuer, ne comprenne pas l'importance qu'occupe l'amour, ici bas, sur notre Terre.
Ils sont comme morts ou jamais nés."

Je laissai Akai et je repris mon souffle; comme si j'étais touché ou exténué ou épuisé.

"J'aimerais tellement leur venir en aide, mais voilà ils tuent, sans même savoir pourquoi. Pour servir des intérêts qui, au final, ne servent à rien.
Et c'est pourquoi j'ai du me séparé de ma fille.
Si elle mourait, je ne m'en remettrai pas.
Je mourrai à mon tour et je tuerai les autres."

Je regardais quelque chose qui flottait dans l'air.
Le silence. Le silence s'imposait.
Nul n'osait le briser.
Pourquoi Akai ne réagissait-elle pas? L'avais-je vraiment toucher? L'avais-je fait réfléchir? Essayait-elle de me comprendre?
Ou tout simplement, se sentait-elle blessée dans sa sensibilité de potentielle tueuse?

"J'espère ne pas trop vous avoir ennuyée.
C'est juste que vous m'avez demandé pourquoi ne plus vouloir revoir ma fille.
Je vous ai dit pourquoi je ne le pouvais pas.
Je vous ai déjà expliqué que mon vœu le plus cher était de voire ma fille heureuse, à mes côté, mais mon besoin le plus important, pour satisfaire ce désir, est de la voire en vie et donc, loin de moi.
J'aimerai la voir ici, à défaut, je l'imagine là-bas."

Le sol s'imbiba de deux larmes de sangs.

*Ca y est.*

Je pleurais.

Spoiler:

Warui répondit à ma question par un mot simple : la politique. Il s’assit sur le banc et croisa les mains. Je m’assis à coté de lui et répétais perplexe :

« La politique ? »

Il m’expliqua que pour protéger sa fille, il avait du renier son existence. Ca me paraissait horrible… La politique valait-elle l’abandon de la personne qu’on aimait ? Pourquoi ne pas avoir abandonner la politique plutôt ? Peut-être était-ce son rêve et qu’il avait du faire un choix. Si j’avais la chance de pouvoir choisir entre mon rêve et la personne que j’aimais, qu’aurais-je choisi ? Sur le coup, je dirais la personne que j’aime ! Mais si un jour cette personne venait à me tourner le dos ? J’aurais renoncé à mon rêve pour rien ? Et puis la politique, c’était fait pour changer certaines choses et en conserver d’autres pour le bien de tous normalement. Alors, c’était différent. Il faisait sans doute cela pour que sa fille puisse vivre dans un monde meilleur.

L’homme marqua une pause avant de poursuivre. Dans la suite de son discours, il prononça le nom d’une personne qui ne m’était pas inconnue : Sven. Je restais cependant indifférente à cette évocation afin de ne pas laisser voir que je le connaissais, curieuse d’entendre la suite. Et quelle suite ! Sven tuait. Peut-être et alors ? S’il le faisait c’est qu’il devait avoir de bonnes raisons non ?
Il évoqua une IAI du nom de Neuro et qui travaillait pour le compte du maire. Mais ce nom ne me disait rien… Ojiisan s’empressa d’ajouter qu’il n’avait rien contre les IAI et qu’au contraire il était pour leur intégration à Tokyo. A l’entendre, il avait l’air de vouloir lui aussi aider les IAI, tout comme Sven, au fond…

Il me demanda alors s’il était normal de tuer sous prétexte que les autres nous dérangeaient. Il ajouta que tuer accablait d’autres personnes, que tout le monde était affecté par la mort. Puis, il me demanda si je n’étais pas d’accord.

« A… Ano… » murmurais-je.

Je ne savais que répondre, puis soudainement il se saisit de ma main et me demanda s’il n’y avait pas des personnes qui comptaient à mes yeux. Aussitôt l’image de Sven et de Mina s’afficha dans mon esprit. Oui, j’avais des personnes qui comptaient pour moi. Imaginez vivre sans eux ? Mais c’est ce que j’imaginais chaque nuit lorsque je parvenais à trouver le sommeil et que je me réveillais en sursaut, les larmes aux yeux à cause de ce cauchemar qui ne cessait de hanter mes nuits et m’empêchais de dormir. Ce cauchemar, je le faisais déjà bien avant de connaître Sven et Mina, je pensais que maintenant que je n’étais plus totalement seule, j’arriverais à trouver le repos mais ce n’était pas le cas…

Se pouvait-il qu’à cause de moi, d’autres personnes aient vu ce cauchemar de se retrouver seul devenir réalité ? J’avais déjà tué. Sur des coups de tête, aussi naturellement que si l’on mangeait quelque chose de bon. Cela faisait-il de moi quelqu’un d’exécrable ? Méritais-je ma solitude ? Mais… Sven m’avait dit que l’essentiel était de ne pas tuer publiquement. Et maintenant ojiisan proscrivait carrément le fait de tuer. Je ne savais plus trop où j’en étais. A Raizen World, l’activité principale était de tuer. Combattre et tuer les monstres pour gagner des points d’expériences et monter les niveaux. Tout ça me paraissait normal. Après, ce n’était pas un problème quand on mourait, on revenait à la vie. Sur terre, cela ne semblait pas bien différent car j’avais vu un reportage qui parlait de la vie après la mort et de la réincarnation. A moins, que ce ne soit pas pareil ? Je ne savais vraiment plus où j’en étais même la télé ne m’était d’aucun secours ici ! Il y’avait tant d’idées et d’opinions différentes si bien développées ! Comment savoir qui avait raison et qui disait la vérité ?

Warui-san me tira de mes pensées en disant espérer ne pas m’avoir trop ennuyée.

« Ie. » répondis-je en secouant doucement la tête.

Il poursuivit en se justifiant que c’était juste parce que je lui avais demandé pourquoi ne pas essayer de la revoir. Il continua de parler et lorsque le silence se réinstalla, je le vis verser des larmes, ce qui me serra le cœur. Décidément, je n’aimais pas voir les gens pleurer ! J’étais peut-être trop sensible ? Toujours est-il que je posais ma glace que j’avais eu le temps de finir pendant ce long discours et farfouillais dans mon sac à main. Lorsque je trouvais ce que je cherchais, je le sortis et tendis le petit sachet de mouchoirs.

« Tenez ojiisan. » dis-je en le lui tendant.

J’esquissais un petit sourire et tentais de le consoler un peu :

« Maintenant, je comprend mieux… Et je suis sûre que votre fille l’aurait compris, elle aussi, et qu’elle aurait été contente de vous l’entendre dire ! »

Au fond, je n’étais sûre de rien, je ne savais même pas comment était sa fille mais cela valait toujours mieux de se dire ça, non ? En tout cas, j'espérais réconforter un peu le vieil homme.

Quelle idée de pleurer! Pleurer était dangereux. Mais qu'est-ce qui m'avait pris?
M'étais-je laissé emporté par mon propre mensonge? Impossible cependant. Il semblait que ma rencontre avec Néo m'avait encore plus touché que ce que je voulais bien penser. Une explosion d'émotions m'avait assailli. Des émotions qui ne m'avaient pas quitté. Des émotions qui ne pouvaient s'en aller. Des émotions que je ne voulait pas abandonner.
Pour ne pas vexer Akai, j'attrapai un mouchoir.
Je me levai, puis lui tournai le dos, mais toujours très poliment.

Mes larmes essuyées, j'enfonçai le mouchoir dans ma poche. Un rapide coup d'œil à ma montre et j'invitai Akai à me suivre.

"10h20, lui dis-je, Plus que 30 minutes pour retourner au cinéma. Je vous raccompagne?"

Tel un dragon souterrain, le métro s'infiltrait sous les rues de Tôkyô en remuant la Terre, partout autour de lui.
Un silence s'était visiblement instalé depuis mon soudain débordement, mais il n'était probablement pas inspiré par la gène. Bien au contraire. C'était comme si le silence était devenu indispensable à l'un comme à l'autre. Enfin, du moins pour un temps.
En tous cas, elle n'avait rien fait pour le laisser paraitre.
J'aurais tellement aimé que ma misérable histoire de petite fille cachée la touche suffisamment pour qu'elle fonde en larme et me livre sa véritable identité et les secrets de son arrivée à Tôkyô.
Mais elle me semblait plutôt perplexe. En même temps, comment lelui reprocher? J'étais bien placé pour comprendre sa crainte de révéler quelques petits secrets. J'en avais moi aussi. Et puis plutôt des gros.
Arrivé à mi-chemin, j'osai l'examiner. Je ne réussis à lire aucune expression sur son visage. Ses traits semblaient figés en un tableau inexpressif.
Je ne la comprenais plus.

Je retournai la tête et dis avec ironie:

"Shippu Shirondo. Les meilleures glaces de toute la capitales. Et voilà que j'ose laisser fondre la mienne."

Je fis semblant de rire de ma bêtise.

"Et bien voilà, de nouveau le monde réel." Déclarai-je à la jeune femme, en arrivant devant le cinéma.

Au fur et à mesure de notre retour, j'avais senti la fatigue me réinvestir. Elle prenait peu à peu possession de chaque fibre de mon corps et la plongeait dans une torpeur abrutissante. J'allai bientôt perdre tout mes moyens, ça je n'en doutais pas. Et Sakura en plus qui m'attendait avec son problème urgent. Je devais écourter notre petit tête à tête à Akai et à moi.

*Dommage...*

Je me sentit quand même obligé de la brusquer, juste une dernière fois. Peut être qu'une énième question sur son alibi la ferait sortir de son mensonge.

"Je ne me rappelle plus Akai, vous m'avez dis que vous fesiez quoi déjà dans la vie?"

Veine tentative. Un énième sourire, suivi d'une révérence me firent avouer à la jeune femme:

"Et bien j'espère que nous nous reverrons bientôt; où que ce soit, d'ailleurs.
Ne nous oublions pas, d'acccord?"

Spoiler:

Warui-san prit le mouchoir que je lui tendais et sécha ses larmes, tandis que je l’observais soucieuse alors qu’il me tournait le dos l’air gêné. Pourquoi les hommes étaient-ils souvent embarrasser lorsqu’ils pleuraient ? N’était-ce pas humain ? Alors pourquoi avoir honte ? Après avoir ranger le mouchoir dans sa poche, il se tourna vers moi et m’informa de l’heure avant de me proposer de me raccompagner.

« Hai ! » Dis-je tout en me levant vivement.

Du coup, j’oubliais tout le reste et ne pensais plus qu’à mon film ! J’avais entendu de si bons échos que j’étais impatiente de constater par moi-même ! Maiis l’acteur principale était tout à fait charmant alors même si le scénario s’avérait être décevant, les bishonen qui jouaient dans le film seraient toujours une belle consolation !
D’ailleurs, je me demandais si Mina avait entendu parler de ce film… Je le lui demanderai la prochaine fois. Et j’en profiterai aussi pour lui demander si elle avait un acteur préféré !
Tiens ? Est-ce que Sven aimait bien regarder des films ? Si oui quels genres de films ? Hm… J’aimerai tant apprendre sur lui ! Les plats qu’il préfère, ceux qu’il déteste, son genre de musique, sa couleur préférée…
Je pensais à tout ça quand la voix de Warui-san me parvint. Je souris à sa remarque. Oui, les glaces de Shippu Shirondo étaient vraiment délicieuses ! Heureusement, je n’avais pas laissé le temps à la mienne de fondre ! C’aurait été du gâchis, une si bonne glace !

Lorsque l’on arriva devant le cinéma, Warui-san dit une phrase à laquelle j’acquiesçais en souriant. Mais qui laissa un grand vide en moi. Le monde réel… Autrefois, Raizen World était ma réalité. A présent, je vivais dans une toute autre réalité, celle de ce monde-ci où je découvre que ma réalité d’autrefois n’est ici qu’une fiction. Alors au fond, qu’est-ce que la réalité ? Et si ce monde, tout comme Raizen World n’était qu’une fiction pour un autre ?

Warui-san me demanda alors ce que je faisais dans la vie et où je travaillais. Etait-ce à cause de l’âge ou à cause de la fatigue qui semblait le gagner ? Je lui avais déjà dis que j’étais sans emploi pourtant… Mais je ne le lui dis pas, ne voulant pas le froisser, je lui répondis poliment que je ne travaillais pas pour l’instant. Il faut dire, je ne faisais pas vraiment d’efforts pour trouver un travail… Peut-être devais-je m’y résoudre ? Après tout, je ne pourrais pas vivre éternellement sur le compte de mon ex petit ami… Promis, dès demain je m’y colle !

En attendant, le temps passait et l’heure de ma séance approchait. Je m’inclinais à mon tour et saluais poliment Warui-san tout en le remerciant pour cette soirée.

« Moi aussi, j’espère que nous nous reverrons ! »

Sur ces mots, je lui dis au revoir et le quittais. J’espérais effectivement que nous nous reverrons, après tout, il n’était pas méchant et j’avais passé une soirée plutôt agréable en somme. J’espérais seulement que la prochaine fois que nous nous verrions, nous aborderions un sujet de conversation un peu plus joyeux !

Spoiler:

J'avais laissé Akai s'éloigner et puis je m'étais dirigé vers la mairie, le pas lent, la mine atroce.
La fatigue m'avait déidément bien rattrapée.

Mes membres s'engourdissaient et le monde semblait s'étirer lentement comme dans un songe.

Cependant, il me restait encore une toute dernière tâche à accomplir avant de rejoindre Sakura et ma précieuse petite mairie.

Après m'être assurée qu'Akai n'était plus dans les parages et après avoir vérifié que personne autour ne m'éccoutait, j'attrapai mon téléphone portable et je composai ce numéro que je coonnaissai si bien.

Je ne pris même pas la peine de préciser la raison de mon appel. Subaro la connaissait déjà.

"J'en ai trouvée une troisième. Son prénom c'est Akai. Elle ne m'a pas donné de nom de famille."

Je me stoppai, examinai les environs, puis poursuivis.

"Elle est au cinéma pour l'instant. Celui près de la mairie. Tu sais ce qu'il te reste à faire?
-Qu'attendez-vous exactement de moi?
-Code 3."

Un court silence agaça Warui, puis Subaro répondit:

"J'arrive."

» Warui Nataku
» Un acceuil chaleureux[clos]
» A la piscine (PV: Sven ^o^)[clos]
» Du tissu blanc, sivouplaiiiit ?[clos]