Quand la faim met votre patience à l'épreuve...

J’avais repéré Aylin et voilà une semaine que je l’épiais. Une semaine d’ennui mortel. Le seul point qui intéresserait certainement monsieur Lovick, c’est qu’elle paraissait avoir adopter une petite IAI. Un démon aquatique d’après mes observations, celui-ci avait l’apparence d’un enfant et se comportait d’ailleurs comme tel. A part cela, sa vie était des plus banal entre le travail et les courses, tout cela n’avait rien de bien passionnant…

Mais bon, c’était déjà mieux que de rester enfermé au coin des secrets à ne rien faire. Ici, je pouvais m’accorder quelques pauses et profiter d’un peu de temps libre. Je venais de terminer de noter mes observations sur ordinateur et décidais d’envoyer cela au maire par courrier électronique plutôt que de l’imprimer et de le lui transmettre en main propre. Je rangeais le carnet de notes prises à la main dans mon tiroir que je fermais sans prendre la précaution de le fermer à clef. Pourquoi prendrais-je des précautions de toute manière ? Je n’étais pas là pour protéger Sven ni qui que ce soit d’autre d’ailleurs.

Un problème se présenta à moi : la faim. Voilà plus d’une semaine que je me contentais d’autres choses que de chaire humaine. J’avais bien tenté de m’en prendre à des animaux mais c’était infect et je n’avais plus envie de m’y essayer. Me contenter d’un plat japonais une fois de plus ? Non, je n’en pouvais plus. Et si je me laissais tenter ? Après tout, il existait bien des clochards à Tokyo… Ceux-ci ne manqueraient à personne, d’ailleurs, personne ne remarquerait leur disparition, alors pourquoi pas ? Un sourire carnassier se dessina sur mon visage. Oui, cette idée m’enchantait.

Je sortis de chez moi et déambulait dans les rues à la recherche de mon repas. Il ne faisait pas encore noir mais ça ne saurait tarder. Après je ne sais combien de temps de marche, je tombais sur un mendiant, un sourire se dessina sur mes lèvres, je le saluais d’une voix mielleuse et l’invitais à me suivre. Mais l’homme s’y refusa. J’insistais tout en m’efforçant de garder mon calme car nous étions sur une voie publique et qu’il y’avait de nombreux passants ce qui ne me facilitait pas la tâche… S’il n’y avait eu personne, il était clair que cet homme aurait déjà eu son compte mais malheureusement pour moi, ce n’était pas le cas et je devais absolument le conduire dans une rue déserte si je voulais pouvoir assouvir ma faim tranquillement mais au lieu de ça, il refusait de m’obéir et me racontait sa vie par-dessus le marcher ! J’en profitais néanmoins pour lui dire :

« Peut-être pourriez-vous me raconter tout cela dans un endroit plus calme et approprié ? »

Mais cette tête de mule ne voulait décidément rien entendre. Et à m’attarder avec ce misérable insecte, je craignais d’attirer l’attention...

« Le jour où tu seras prêt à mourir pour renaître sous une nouvelle lune, regagne ce qui t’a le plus retenu. »

Les mots de Nataku résonnaient dans sa tête. Il avait rencontré l’homme presque deux semaines auparavant, avait lancé le sujet de cette rencontre auprès du maire, sans pour autant tout dire. D’ailleurs, il se souvenait plutôt bien de ce qu’il avait dit.

« Ce gars est un idiot qui cogne d’abord. En plus, il avait pris soin de ne pas pouvoir se prendre des coups en contre partie. Rameuter la foule, c’était bien la dernier des idées stupides pour pouvoir s’expliquer à coup de poing. Il lui manquait une grande case. »

Il espérait qu’il avait été un brin convaincant. Bien sur, Sven l’avait raillé pour ne pas s’être défendu, mais Néo était ainsi. Depuis son retour, l’Elfe avait ce comportement tel qu’il méprisait ouvertement le combat, mais malgré tout, il se laissait faire si Sven choisissait de le pousser à s’entrainer. Pourtant, il ne se servait quasiment jamais de ses pouvoirs à des fins néfastes. Il était ainsi, même si cela pouvait agacer Sven. Après tout, il ne changerait pas sa façon de voir les choses pour les beaux yeux du maire. Surtout quand il pensait qu’il le trahirait d’ici peu. S’en doutait-il seulement ? Néo se demandait si l’information avait été jusqu’aux oreilles de l’homme. Il espérait secrètement que ce ne serait pas le cas. Car cela ne ferait que tout compliqué, au moment désormais crucial. Déjà qu’il surveillait sereinement les gestes de celui qui le suivait, s’assurant de l’occuper assez fréquemment. Mais il prenait soin à ne pas le perdre, pour ne pas avoir des ennuis, pas trop tôt.

Il allait devoir songé à comment se débarrasser de cette sangsue sans se faire attraper une heure plus tard par d’autres hommes de Sven. Il devait veiller à faire les choses calmement et sereinement. Tout d’abord, il devait comprendre la totalité des sous-entendus de Nataku dans ses paroles. Pour l’instant, il pensait en avoir trouver un bout. Mais cela lui semblait si évident que ca le dérangeait. Il savait qu’il y avait un message caché sous cette idée. Restait plus qu’à trouver laquelle. Il fallait qu’il aille au Bristol le plus rapidement possible. Il devait trouver la clé à ce problème. Et après, il devait trouver un moyen d’empêcher son trublion d’avertir Sven quand il disparaitrait. Et ce point lui poserait problème. Il faudrait qu’il intervienne peu après le rapport hebdomadaire qu’il faisait à Lovick.

Perdu dans ses songes, Néo avançait sans grande attention sur l’endroit où il mettait ses pieds. Il avançait histoire d’avancer sans réfléchir davantage sur où il irait. Il voulait trouver le dernier détail, mais il n’avait aucune envie d’aller jusqu’au Bristol, alors il préférait tourner dans la ville de Tokyo. Il irait quand il le faudrait. Quand il n’aurait plus de doutes. Car malgré toutes les paroles de Nataku, le jeune Elfe ne savait pas s’il pourrait lui accorder totalement sa confiance. Même si l’envie de le croire le tiraillait. Mais il avait un peu peur, peur de refaire cette erreur, celle de croire son interlocuteur et se faire avoir au final.

Trop perdu dans ses pensées, le jeune Elfe ne vit pas l’être immobile devant lui. Non, il n’y faisait pas attention. Ou plutôt il le perçut que trop tard, au moment fatidique où il venait de se cogner contre lui. Reculant d’un pas pour s’écarter, le jeune être posa son regard sur la personne qu’il venait de bousculer sans ménagement.

« Veuillez m’excuser, je n'étais pas attentif. »

Délaissant totalement ses problèmes, le jeune homme entendit une voix alentour rompre le silence pour raconter une multitude de choses. Laissant son regard se poser sur l'humain qui était entrain de raconter dieu seul savait quoi, puisque l'incarné avait opté pour ne pas écouter, surtout un discours sans intérêt.

Par réflexe, je tournais la tête vers la personne qui venait de me bousculer et qui s’excusait. Ce n’était donc qu’un accident heureusement… J’esquissais un sourire et répliquais que ce n’était pas grave en ajoutant que cela m’arrivait aussi. Bien qu’en réalité, cela m’agaçait au plus au point. Déjà que ce vieillard refusait de me suivre et me racontait sa vie qui ne m’intéressait absolument pas avait le don de m’irriter, ce gamin distrait n’arrangeait pas les choses. Fort heureusement pour moi, je savais me contenir et bien qu’au fond, j’étais exaspéré je n’en laissais absolument rien paraître en surface.

Je me désintéressais du jeune homme qui avait l’allure d’un étudiant et je saisis doucement le vieil homme par le poignet. Je commençais à en avoir assez de perdre mon temps à essayer de le convaincre de me suivre, autant parler à un mur, cela reviendrait au même. Mon visage affichait toujours un sourire sympathique tandis que j’envoyais discrètement une décharge électrique à l’homme que je tenais. Celui-ci perdit connaissance, cessant ainsi de parler par la même occasion. J’avais envoyé une décharge suffisamment puissante pour l’assommer mais pas assez pour le tuer, ce n’était après tout pas mon but. Je préférais l’entamer vivant, la chair n’en était que plus savoureuse.

Je soulevais l’homme, passant son bras sur mes épaules et afin de ne pas paraître suspect, je dis tout haut en m’adressant au vieil homme :

« Ne, ikuzo ojisan !* »

J’avais utilisé un ton calme et détaché comme pour signifier qu’il ne fallait pas y prêter attention et que cela arrivait fréquemment. Je saluais poliment le jeune garçon qui m’avait percuté et emportait ma proie avec moi. C’est qu’il pesait plutôt lourd, mine de rien. Mais ce n’était pas un problème, j’avais suffisamment de force pour le porter bien que je sois affamé.

Nous nous engouffrâmes dans plusieurs rues avant que je ne trouve enfin une ruelle sombre et déserte qui convenait pour ce que je m’apprêtais de faire. Je vérifiais quand même aux alentours qu’il n’y ait personne avant de jeter violemment le vieil homme qui commençait à reprendre connaissance par terre. Son regard terrorisé se perdit dans mes yeux animés par une lueur démoniaque qui s’associait parfaitement au sourire carnassier que j’affichais. Je le regardais avec dédain avant de me baisser à son niveau en posant d’abord un genou puis le deuxième sur le sol dur. Je posais une main sur sa bouche afin d’étouffer ses cris et de l’autre lui maintenait fermement poignet avant de l’entamer par l’épaule.

J’enfonçais mes crocs dans sa peau et le liquide rouge dont je raffolais tant ne tarda pas à couler, le vieil homme se débattait en vain tandis que je me régalais lentement de sa chair. Je me sentais revivre et ne pensais pas une seule seconde que l’on puisse m’interrompre une fois encore…

* Allons-y, grand-père!

Regardant la scène qui se déroulait devant ses yeux, Néo n’avait plus qu’une envie. Fuir… Retourner se calfeutrer chez lui, et ne plus jamais quitter ce coin sûr. Mais son envie ne dépassait pas le stade de la pensée. L’idée de bouger et d’attirer l’attention de l’autre sur lui l’angoissait. Il ne pensait pas qu’il puisse avoir peur d’un autre incarné. Mais là… Il avait l’impression que si l’autre le trouvait ici, il le tuerait aussi. Et cette idée le glaçait d’effroi. Plaquant sa main sur sa bouche, l’Elfe voulut faire disparaitre l’odeur de sang qui ne faisait que l’écœurer encore plus. Il devait bouger… Pour ne pas mourir.

Néo n’avait pas pu comprendre ce qui l’avait inconsciemment poussé à suivre Neuro. Peut-être parce qu’il était un incarné aussi, surtout avec une apparence bien différente de la sienne, ou bien parce qu’il avait emmené ce vieil homme inconscient. Il n’avait pas su ce qui l’avait poussé à suivre l’autre incarné. Il n’avait pas su, mais il s’en mordait désormais bien les doigts de l’avoir fait. Il n’aurait jamais pensé devoir affronter ce genre de situation. Il n’aurait jamais pensé assisté à un meurtre ainsi, de sang froid. Le tout mélangé à du cannibalisme. La scène sous ses yeux l’écœurait.

S’il ne bougeait pas, Sven serait le cadet de ses soucis, quand l’autre se retournerait. Il n’aurait jamais pensé que Sven puisse se faire battre dans la série « Méchant ». Il avait l’impression qu’il avait vécu au chaud dans un rêve jusqu’à maintenant. Dans un rêve avec un méchant dans le rôle du maire, et les autres qui semblaient indifférents. Seulement, il se rendait compte que tout n’était pas aussi blanc et pur qu’il le pensait. Et le réveil était brutal et mauvais.

Toujours la main plaquée sur la bouche, le jeune Elfe finit par esquisser un geste. Un pas de recul… Il en restait encore d’autres à faire, pour pouvoir sortir de ce lieu rapidement. Sans se faire voir, sans s’attirer des ennuis. Faire comme s’il n’avait jamais vu cette scène là… Même s’il savait parfaitement qu’il ne pourrait pas l’effacer de ses souvenirs aussi aisément. Il ne pourrait pas retirer le visage de cet homme qui mourait. Il ne pourrait retirer ce sentiment de lâcheté qui le tenait. L’impression qu’il aurait pu faire quelque chose. Qu’à deux, on se sentait moins perdu, moins faible. Mais il n’avait rien fait. Il n’avait pas bougé. Il avait assisté à la scène sans rien faire.

Retenant les hauts-de-cœur qui le saisissaient, Néo avait beau tenté tout ce qu’il pouvait, il n’arrivait pas à retenir cette envie de vomir devant cette scène. Qu’avait fait ce vieil homme pour vivre ça ? Pour mourir ainsi ? Reculant d’encore un pas, Néo n’arrivait pas à chasser l’odeur du sang qui lui prenait l’odorat. Il avait l’impression de baigner dans cette odeur de mort, de sang et de ne pas pouvoir en échapper. Il devait fuir…

J’étais occupé à me régaler lorsque je sentis une présence. Je me tournais lentement et reconnu le gamin de tout à l’heure. J’essuyais mes lèvres couvertes de sang du revers de la main et fixais froidement le garçon qui semblait immobilisé par la peur. Je remarquais également quelque chose que je n’avais pas remarqué auparavant lorsque j’avais encore faim : son odeur. Elle était différente de celles des humains. Oh presque rien à peine perceptible mais que j’étais pourtant capable de déceler. Je présumais donc qu’il s’agissait d’une IAI. Il passait pourtant bien pour un être humain normal mais puisqu’il était une IAI, je ne m’attaquerai pas à lui, non, j’allais plutôt le mettre en garde contre une certaine personne... Oh n’allez pas imaginer que je faisais cela par compassion pour l’un de mes semblables, loin de là, je me fichais pas mal de ce qui pouvait lui arriver en réalité. Si je le faisais, c’était avant tout pour moi, pour pouvoir réaliser mes plans et parvenir à mes fins. Et pour cela, j’avais besoin d’alliés. Et principalement des IAI...

J’esquissais un sourire qui n’avait rien de chaleureux et m’approchais du jeune homme, délaissant ce qu’il restait du vieillard qui était mort bien trop rapidement à mon goût mais c’était sans importance, je n’allais pas jouer les fines bouches pour si peu après avoir enfin pu déguster ma viande favorite dont j’avais du me passer pendant si longtemps.

Je m’arrêtais à une distance respectable et fit remarquer qu’il était dommage que nous nous rencontrions dans de telles circonstances. Car en effet, pour m’en faire un allié, c’était plutôt mal parti. En même temps, c’était de sa faute, il n’avait qu’à pas me suivre. D’ailleurs pourquoi me suivait-il ? Peut-être avait-il senti que je n’étais pas originaire de ce monde moi non plus. Quoiqu’il en soit je poursuivis :

« Je travaille pour le compte de Sven Lovick. Tu dois sûrement en avoir déjà entendu parler ? »

J’estimais n’avoir rien à craindre en le révélant à une IAI. Tout d’abord, je comptais savoir si lui aussi travaillait pour son compte et surtout, si c’était de son plein gré ou comme moi, s’il y’était contraint. En revanche, s’il ne le connaissait pas, je le mettrais tout simplement en garde afin qu’il évite de croiser sa route. Mon intérêt dans tout cela ? Simplement mettre des bâtons dans les roues du maire afin de l’empêcher d’arriver à ses fins. Il s’amusait à collectionner les IAI ? Eh bien je ferais tout pour en monter un maximum contre lui. Même s’il y’en avait qui semblait attaché à lui et se laissait manipuler bêtement, je savais pertinemment bien qu’il y’en avait d’autres comme moi qui ne l’entendaient pas de cette oreille. Ce garçon serait-il de ceux-là ? Je l’espérais en tout cas…

Malade. Il avait l’impression que même la pire des scènes de ses souvenirs ne pouvait pas rivaliser avec ce qu’il venait de voir. La nonchalance de l’autre le marquant plus que tout. Comme s’il ne venait pas de tuer de sang froid un homme, comme s’il n’y avait pas un corps inerte et mort dans la rue, à quelques pas d’eux. Visiblement, pour son collègue, il ne s’était rien passé de hors norme. Pourtant, il avait tué, froidement, sans motif apparent et d’une façon cruelle. Il avait laissé l’homme souffrir, pour le… manger.

Le regard posé sur l’autre incarné, Néo ne bougeait pas, malgré une envie folle de fuir et de quitter ce lieu et cet énergumène. Il l’effrayait, et ce sentiment ne lui paraissait en rien injustifié. Surtout avec le sourire qu’il lui faisait. Ni chaleureux, ni gentil, un sourire qui le faisait frissonner. Est-ce qu’il allait le tuer aussi ? Quelle idée avait-il réellement en tête ? Incapable de retenir ses angoisses, l’Elfe regardait le Démon s’approcher de lui, sans pour autant esquisser le moindre geste. Il en était bien incapable. Il avait l’impression que s’il faisait le moindre geste, il allait se jeter sur lui et le dévorer. Et l’idée de mourir ainsi n’attirait pas du tout Néo. Il n’avait aucune envie de mourir, surtout pas maintenant que Nataku lui avait proposé une voie de sortie de cet univers de servitude.

Ecoutant la voix de Neuro rompre le silence, Néo retint un soupir blasé. Comment Sven avait pu ne pas se faire mangé par ce gars ? Dommage d’ailleurs qu’il ne l’ait pas fait, ça lui aurait fait des vacances. Quoique… Celui qui l’aurait remplacé aurait pu être pire. Comme celui qui se tenait devant lui. Idée d’horreur. Fermant les yeux pour essayer de se calmer un peu, le jeune Elfe déglutit avant de répondre d’une faible voix. Il était incertain, il n’avait même pas la certitude que sa voix tiendrait, sans trembler, sans marquer son angoisse encore plus.

« Moi aussi… »

Il n’avait pas envie de faire la conversation avec cet être. Il voulait juste retourner se calfeutrer chez lui, sans autre pensée. Même s’il doutait pouvoir oublier le vieil homme un jour. Tout comme la scène à laquelle il avait assisté sans le vouloir. Pourrait-il oublier un jour les remords de n’avoir rien fait ? Pourrait-il se pardonner d’être resté un simple spectateur dans cette scène et de n’avoir pas pu ou voulu agir ? Comment cet être pouvait continuer à vivre aussi calmement, comme si rien ne s’était passé ? Avait-il fait cela si souvent qu’il n’éprouvait rien en le faisant ?

Il était malade. L’odeur du sang lui donnait la nausée et l’envie de vomir restait présente, ne partant que pour revenir après quelques temps. Il fallait qu’il fuit cette scène, ce lieu, ce corps. Avant de devenir complètement fou. Mais il n’arrivait pas à lâcher l’autre du regard. Par peur de ce qu’il pourrait faire s’il le lâchait du regard. Néo n’avait aucune envie de mourir.

« Souka…* » murmurais-je l’air pensif.

Ainsi donc, lui aussi travaillait pour Sven. Il ne me restait plus qu’à savoir s’il travaillait pour lui de son plein gré ou pas. J’espérais que non… Mais comment abordé la question sans paraître trop suspect. Hm… Je fixais un moment le garçon. Il avait l’air terrorisé. Et faible aussi. Et si… Si je posais tout simplement la question ? Je pouvais toujours l’éliminer ensuite s’il s’avérait qu’il était aussi un fier partisan de monsieur Lovick comme l’était la gamine aux oreilles de lapins. Après tout, il existait bien des IAI en liberté, rien ne prouverait que ce soit moi qui l’aie éliminé si cela venait à se produire.
Cependant, ce n’était pas aussi simple, il pouvait croire que j’étais moi-même un allié de Sven qui m’assurait de la fidélité des IAI qu’il pouvait envoyer en mission. Voilà qui était contrariant. Mais soit, je décidais de prendre quand même le risque :

« Et c’est de ton plein gré que tu travailles pour lui ou tout comme moi tu y es contraint ? »

Je révélais ainsi la véritable raison pour laquelle je travaillais pour le maire, en partie tout du moins. Et d’une certaine façon ma position vis-à-vis de celui-ci car en effet, comment peut-on apprécier une personne pour qui l’on est contraint de travailler ? Si ce n’est pas impossible, c’est au moins difficile.
Evidemment, le garçon pouvait croire que je mentais pour voir si je le testais mais j’espérais que ce ne serait pas le cas.

En tout cas, je savais que je n’avais pas à craindre de mourir si je venais à tromper Sven étant donné que son but semblait de collectionner les IAI mais je risquais cependant de me voir enfermer pour je ne sais combien de temps et subir une multitude d’autres expériences plus éreintantes les une que les autres. Ce que je préférais éviter à tout prix. J’avais déjà eu du mal à supporter de rester enfermé si longtemps et de subir tous ces tests éprouvants et agaçants, je ne voulais pas revivre tout cela de si tôt !

En attendant qu’il me réponde, j’avais ôté ma veste couverte de sang et à l’aide de la glace, j’en humidifiais une partie propre pour essuyer mes lèvres entourées du délicieux liquide rouge. Ainsi, je pourrais continuer à me balader dans les rues sans trop attirer l’attention. Quant à ma veste abîmée, je la jetais sur le cadavre de l’homme et les firent tous deux brûler.

« Mieux vaut ne pas nous attarder ici. Peut-être pourrions-nous poursuivre cette conversation dans un endroit plus approprié ? » proposais-je, en réalité, je ne lui laissais pas réellement le choix car je n’avais pas l’intention de le laisser partir tant que je n’aurais pas eu les réponses à toutes mes questions.

* Je vois, je comprends

[HJ : Pardon pour le retard, j'ai... oublié ce post ^^' ]

L’elfe préférait limité au maximum sa conversation avec l’autre qui lui faisait face. Parce qu’il préférait ne lui laisser que le strict minimum d’informations le concernant. Sans nul doute parce que son esprit prolifique le menait à voir le pire en l’occurrence à finir dans le même état que le vieil homme. Sans chercher à agacer l’autre, Néo répondait doucement à ses interrogations, sans le faire avec toute la gaieté qui pouvait l’animer. Non, il devait rester prudent sur les réponses qu’il fallait donner. Devait-il lui accorder sa confiance ? Toute la question était vitale et majeure. La même question qu’avec Nataku. Si cet être travaillait pour Sven, comment pouvait-il lui faire confiance ? Après tout, peut-être qu’il s’agissait juste de le tester pour s’assurer de sa fidélité ou non au maire. Déjà qu’il y avait un tube de glue qui suivait ses moindres faits et gestes, il ne tenait pas à ce que Sven empire les choses. Quelle réponse était la plus accordable ? La plus sûre et la moins dangereuse ?

« Et c’est de ton plein gré que tu travailles pour lui ou tout comme moi tu y es contraint ? »

Quelle réponse dire ? Quelle réponse attendait-il réellement ? La vérité ou un mensonge ? Ce qu’il pensait au fond de son cœur, ou ce masque qu’il portait ? Et lui, cet énergumène lui disait-il la vérité ou lui mentait-il ? Qu’est-ce qu’il fallait répondre ? Que croire ? Faire confiance ou se méfier ? Que fallait-il craindre à se confier ? Pouvait-il prendre le risque de se faire trahir ? Trop de doutes, trop de questions et aucune réponse. Des questions qui ne lui étaient pas inconnus. Les mêmes qu’avec Nataku. Mais l’humain lui avait paru moins effrayant, surement parce qu’il n’avait pas eu une rencontre aussi sanguinolente.

* Au pire, si Sven apprend cette conversation, je pourrais lui dire que c’était ce qui me paraissait le moins risqué face à cet être. *

Quand cette idée germa dans sa tête, le jeune Elfe sut qu’il avait trouvé ce qu’il dirait. Une part de vérité, sans pour autant dire l’ensemble de ses idées. Il ne comptait pas se trahir avant d’avoir réussi à recroiser Nataku. Il voulait savoir ce que l’homme pouvait lui proposer comme aide. Oh, il savait qu’il ne le croiserait pas le soir même, mais il comptait bien aller un jour à cette rencontre programmée. Mais il avait encore une multitude de choses à mettre en place. Et laisser ce plan être connu de lui seul lui facilitait la tache. Il ne tenait pas à ce qu’on mette des bâtons dans ses roues. Ce serait horribles à son goût de devoir obéir pour toujours à Sven.

« Ce n‘est pas mon choix. Je préférais avant. »

La réponse était courte et prononcée dans un simple murmure, comme le jeune Elfe l’avait fait jusqu’à maintenant. Après tout, changer son attitude n’aurait pas d’effets bénéfiques, puisque cela ne ferait qu’attirer des soupçons sur lui de la part de l’autre IAI. Et finir en repas ne le tentait décidément pas. Laissant son regard se poser sur la ruelle, le jeune Elfe nota que pendant sa réflexion, son ’collègue’ avait fait le ménage sur les lieux, ne laissant qu’un corps carbonisé inidentifiable à première vue. Et il avait pris soin de paraître moins désordonné que cinq secondes plus tôt.

« Mieux vaut ne pas nous attarder ici. Peut-être pourrions-nous poursuivre cette conversation dans un endroit plus approprié ? »

Hochant doucement de la tête, le jeune Elfe ne sautait pas d’enthousiasme devant l’idée, mais il se doutait qu’il n’avait guère le choix. A moins que ce soit la peur que l’autre lui procurait qui l’empêchait de songer ne serait-ce un instant à le contrarier. Après tout, Néo ne voulait pas finir dans l’état du vieil homme. Il fallait qu’il puisse voir Nataku pour boucler tout. Pour voir ce que l’homme avait réellement en tête. Car il ne doutait pas qu’il avait une idée déjà précise de ce qu’il voulait faire, et ce depuis le début de leur rencontre.

Il mit un certain temps à répondre, il paraissait hésiter, mal à l’aise, et c’est pour cette raison que je le crus lorsqu’il me répondit que s’il travaillait pour monsieur Lovick, ce n’était pas par choix. Il ajouta même sans que je ne le lui ait demandé qu’il préférait avant. Avant ? C’était à dire ? Quand il vivait encore à Raizen World ou lorsqu’il s’était construit sa propre vie, ici, à Tokyo ?

Le jeune homme acquiesça d’un signe de tête quand je l’invitais à poursuivre notre conversation ailleurs. Je ne marchais pas trop vite et veillais à ce que le garçon me suive. Je ne lui demandais pas son nom. Je n’avais pas besoin de le savoir. Pas pour le moment en tout cas. Et puis, cela le rassurerait peut-être un peu plus.
Pour ma part, je n’avais pas l’intention de lui divulguer mon nom, de toute façon mon profil physique suffisait amplement à ce que l’on m’identifie, je mesurais près de 2 mètres, ce qui faisait qu’il était difficile de ne pas me remarquer, surtout dans ce pays où la taille moyenne de la population était déjà plus petite que les Occidentaux à ce que je savais. J’avais teint mes cheveux en noir mais je savais pertinemment bien que cela ne suffisait pas à me rendre méconnaissable quant à mes yeux verts, si je supportais les lunettes que je portais occasionnellement ce n’était néanmoins pas le cas des verres de contact.

J’avais quitté les petites rues pour les grandes plus peuplée. Ainsi, mon interlocuteur serait certainement tranquillisé car il était clair que je ne prendrais pas le risque de m’en prendre à lui devant témoin. Je n’étais pas fou non plus. Quant à ceux qui viendraient à penser que je le suis, je répondrais que j’aime autant le terme de marginal dans ce cas. De toute façon, je ne pouvais nier que je l’étais ne serait-ce que par le fait que j’étais une IAI. Ce qui dans ce monde n’avait rien d’ordinaire.

Je savais à présent que le garçon ne travaillait pas pour Sven de gaieté de cœur. Mais y’avait-il des chances pour le soulever contre lui ? Comment aborder le sujet ? Devais-je y aller franchement ou bien, au contraire, prendre des précautions ? Mais pourquoi prendre des précautions ? Avais-je vraiment quelque chose à craindre de ce gamin qui tremblait devant moi ?

J’avançais toujours tranquillement quand je lui demandais :

« Quand tu dis que tu préférais ‘avant’, tu parles d’avant dans le jeu ou bien de ta vie ici, avant qu’il ne te contraigne à travailler pour lui ? »

En ce qui me concernait, je préférais nettement ma vie dans ce monde, du moins avant de me faire attraper par le maire… Mais c’était de ma faute, j’aurais dû me montrer plus prudent le jour où je m’en étais prit à cette Aylin… Si je ne l’avais pas laissé filer, rien de tout cela ne me serait arrivé mais regretter ne me ferait pas avancer, à présent, il me fallait me sortir de la situation dans laquelle j’étais, peu importe la façon dont je m’étais trouvé dans celle-ci.

La réflexion avait perduré quelques instants, avant que la moindre réponse ne fusse. Prendre un minimum de précaution, pour s'assurer que Sven n'apprenne rien, ou pour s'assurer une situation de repli si jamais le maire apprenait le moindre mot de cette conversation. Si l'être face à lui était franc, Néo ne doutait pas que ce ne serait pas ce dernier qui trahirait. Mais mieux valait être prudent.

Suivant d'un pas assez rapide pour être au même niveau que son interlocuteur, Néo retint un soupir de soulagement en quittant le dédale de ruelles, pour retomber sur une grande rue passante. Il préférait de loin ce genre de lieu, surtout avec cet énergumène. Mais l'inconvénient serait le nombre de personnes pouvant potentiellement entendre leur conversation. Mais qui prêterait grande attention à deux personnes qui parlaient ? Tant que la conversation avait l'air anodine.

Ecoutant la question, Néo ne put que retenir un petit sourire amusé. Question intéressante et des plus légitime.

« Je suis l'ancien cuisinier du Bristol. Mais quand il m'a retrouvé, j'ai du tout laisser derrière moi. »

Il savait qu'il n'avait pas besoin de le nommer, lui comme Neuro comprendrait de qui parlait le jeune Elfe. Il savait parfaitement que son histoire était plus complexe qu'elle n'y paraissait, mais il ne tenait pas à tout dire ainsi au premier inconnu. Il avait envie de conserver des secrets sur son passé, que tous ignorait, en particulier ce qu'il s'était réellement passé quelques mois avant, provoquant son amnésie.

« Je sais que je pourrais être comme Mina, en loyauté, si je n'avais pas perdu mes souvenirs pendant quelques temps. Ça m'a permis de voir la vie autrement, et je ne regrette rien. J'avais complètement mis de côté que je travaillais pour lui, jusqu'à ce qu'on se croise... »

Et ce jour-là, il aurait préféré être complètement endormi au fond de son lit que devant Sven. Il savait que ce jour-là, il avait signé ce contrat qui le liait pied et poings liés devant Sven. Et il détestait cette situation.

« Que cherchez-vous exactement ? Pourquoi cette question ? »

Derrière toutes ses interrogations, s'en cachaient une autre, ultime et primordial : qu'attendait-il exactement de cette conversation ?
L'Elfe se doutait que son interlocuteur savait ce qu'il voulait, qu'il avait une idée fixe. Et l'apparent adolescent souhaitait savoir. Pour avoir une idée de ce qu'il l'attendait. Avait-il au fond le même besoin que lui, la même envie : être libre ? Surement, après tout, ceux qui avaient gouté à leur liberté ne pouvait jamais la mettre de côté. Non, juste faire semblait, mais la retrouver devenait leur rêve le plus cher.

Vais-je intervenir?

Résultat: 26

Vous avez de la chance...

J’écoutais. Ce qu’il avait à me dire. Ce qui pouvait m’être utile. Il semblait déjà plus à l’aise de se trouver dans la foule. Pour ma part, j’avais l’estomac bien rempli et la foule ne me posait plus de problème dès lors que ma faim était apaisée.

Ainsi donc, il était cuisinier au Bristol. Je me rappelais m’être rendu là-bas à plusieurs reprises pour parler affaires avec mes collègues de travail. Mon travail… Cela aussi me manquait. Pourtant, je ne l’aurais jamais cru si on me l’avait dit lors de mon arrivée ici. Au départ, cet emploi ne me servait que de couverture. Et j’avais fini par me prendre au jeu. Quelle ironie que de savoir que c’est en sortant de ce même Bristol que je rencontrais Aylin et que tout ce que j’étais parvenu à construire jusqu’ici c’était écroulé bien avant ma véritable rencontre avec Sven, le jour même où je la laissais s’échapper vivante.
Et quelle chose étrange que de savoir que cette IAI qui peut-être pourrait m’aider à réaliser mes projets travaillait pour ce même Bristol ! A croire que mon destin tout entier tournait autour de ce restaurant.

Il cita Mina. Loyale, elle l’était. Et elle n’était malheureusement pas la seule… Que pouvaient bien trouver ces IAI à cet homme ? Que pouvait-il avoir de mieux que la liberté de prendre soi-même des décisions ? Ces IAI ne s’apercevaient-elles pas qu’elles n’étaient que des marionnettes dont les ficelles étaient tirées par le maire ? Pour ma part, j’étais aussi passé au rang de marionnette mais je n’avais pas l’intention de le rester longtemps. Il y a bien un moment où le marionnettiste relâche les fils et j’ai bien l’intention de profiter de ce moment de répit qu’il s’octroie pour lui échapper et faire en sorte qu’il ne fasse plus de moi ce qu’il souhaite.

J’appris également qu’il travaillait déjà pour Sven auparavant. Et loyalement apparemment. Un concours de circonstances avait du faire qu’il perde ses souvenirs. A présent, il retravaillait pour Sven mais cette fois, tout comme moi, c’était contre son gré. Cela seul m’intéressait. Ce que j’avais besoin de savoir, ce n’était pas son passé mais sa disposition à construire un nouvel avenir dans lequel Sven n’existerait pas.

Il me demanda alors pourquoi je posais cette question. J’esquissais un sourire tandis que je continuais d’avancer parmi la foule.

« Comme toute personne sensée, je n’aime pas le surmenage. Encore moins s’il s’agit d’un travail que je n’ai pas choisi. Donc, j’aimerais démissionner mais ce n’est pas aussi simple… Je cherche un moyen qui me permettra de le faire sans prendre de risque. »

Je n’avais pas besoin de préciser que le risque était de me retrouver à nouveau enfermer dans le laboratoire du maire et d’y subir les multitudes d’expériences auquel je n’échappais pas même en travaillant pour lui.

« J’espère trouver des personnes qui me soutiendront dans mon projet. »

Je lui jetais un coup d’œil. Sous-entendant que j’espérais qu’il serait de ces personnes. Pour recouvrer ma liberté, j’étais prêt à tout, y compris à m’associer bien qu’ordinairement, je préfère travailler en solitaire. Evidemment, l’idée d’éliminer Sven était toute simple mais pour l’appliquer, c’était une autre histoire… D’abord parce qu’il était bien protéger, ensuite parce que même si je parvenais à l’éliminer, je craignais que cela ne suffise pas car ces fidèles IAI souhaiteront certainement se venger mais aussi, quelqu’un sera certainement là pour prendre sa relève et dans ce cas, l’éliminer n’aurait absolument servit à rien.

Comment faire ? Je ne savais pas exactement. Et c’est entre autre pour cela que j’avais besoin d’aide pour trouver une solution qui promettait d’être fructueuse.

Tout en déambulant avec cet incarné, le jeune Elfe réfléchissait. Il savait parfaitement qu'il y avait une limite sur ce qu'il pouvait dire à Neuro. Non pas qu'il ne lui fasse pas confiance, mais... Il ne lui faisait pas totalement confiance, et l'idée que Sven puisse apprendre ses projets le poussaient encore plus à se taire. Il ne faillait pas que Neuro apprenne quoique ce soit de son projet avec Warui. Ou plutôt qu'il en sache le moins possible.

Préférant laisser des informations un peu vieilles et sans danger puisqu'elles étaient connues de Sven. Il n'avait aucune envie que tout capote. Pas maintenant qu'il s'acharnait à comprendre cette saleté d'énigme. Bien sur, il ne faisait pas totalement confiance à Nataku, pas plus qu'il ne faisait confiance aux autres. Il s'attendait à la possibilité de se faire piéger, et cela n'était pas non plus son attente. Il savait qu'une telle possibilité l'enfermerait complètement dans la solitude. Parce que Sven veillerait à ce qu'il ne retrouve pas sa liberté avant de longues années - et encore-. Et cette possibilité la le poussait à surveiller ses arrières, se méfier des alliances, même si apparemment tout le monde y trouvait son compte.

Ecoutant la réponse de son interlocuteur, le jeune homme eut un vague sourire. Il le comprenait. Totalement. il avait eu les mêmes envies, et Nataku Warui lui était tombé dessus lui tendant une main salvatrice. Mais il ne pouvait décemment pas lui avouer qui lui donnerait de l'aide. Juste par précaution. Il valait mieux s'assurer que l'opposant du maire soit suffisamment fiable avant de dire à quelqu'un d'autre de foncer.

"Je comprends tout à fait. Je ressens la même chose."

S'arrêtant quelques secondes, le jeune incarné reprit une marche plus lente, regardant tranquillement où il mettait les pieds.

"J'ignore ce que vous faisiez avant et si les personnes qui vous entouraient vous sont importantes, mais il n'hésitera pas à les menacer pour qu'on reste sagement à ses ordres... Il m'a fait le coup."

Il n'avait aucune idée sur l'utilité de cette remarque, ni même sur son intérêt. Après tout, l'homme tuait les gens, donc il avait surement aucune personne de suffisamment important dans son coeur à protéger. Et si c'était le cas, alors Néo l'enviait. Lui tenait trop à ces anciens camarades de travail pour les laisser avoir des ennuis à cause de lui. Certes, il faisait tout son possible pour couper toutes relations avec eux, ne mettant plus les pieds au Bristol, mais il les appréciait quand même.

"Tant que je le pourrais, je vous aiderais."

Posant son regard sur l'incarné, l'Elfe n'eut pas de remords à lui tendre la main. Certes, cet être resterait son cauchemar, mais il avait autant le droit à la liberté que lui.

L’IAI m’avoua qu’elle ressentait exactement la même chose. J’acquiesçais d’un simple signe tête. Le jeune garçon s’arrêta un court instant avant de reprendre une marche plus lente. Je m’arrêtais à mon tour pour le fixer avant de reprendre ma marche en m’adaptant à son pas lent et régulier.

Je l’écoutais me confier que le maire avait menacé les personnes auxquels il tenait pour qu’il reste sagement sous ses ordres. C’était bien digne de Sven que ce genre de chantage.

« Même si tu n’avais pas eu des personnes à qui tu tiens, il aurait trouvé autre chose, crois-moi. » Dis-je.

Pour ma part, j’avais la chance de ne pas être attaché à un quelconque humain. Pour moi, ces créatures ne font que constituer mes repas ni plus ni moins. Même si j’avais horreur du gaspillage, il ne me déplaisait pas de jouer avec la nourriture. Ca ne m’avait pas déplu de jouer à l’employé modèle qui a tout pour lui et qui par son aptitude au travail mais aussi par son entrain et sa sollicitude par rapport aux autres faisait qu’il était apprécié de ses collègues. Oui, j’avais aimé jouer ce rôle. Plus encore, je m’étais attaché à celui-ci. D’ailleurs, à ma demande, Sven avait fini par me confier des dossiers dont je m’occupais. Evidemment, cela ne remplaçait pas mon travail au bureau mais au moins cela me permettait de m’évader un moment en me concentrant sur cette tâche uniquement.

Le jeune garçon m’assura que tant qu’il le pourrait, il m’aiderait. Aussi étrange que cela puisse paraître, ses propos m’apaisèrent d’une certaine manière. Je ne savais pas vraiment comme exprimé mon ressenti, j’avais l’impression qu’un poids, une tension se défaisait en moi à ce moment là. J’esquissais un sourire et fixais mon congénère droit dans les yeux :

« Je te remercie et sache que je ferais de même pour toi. »

Oui, le temps de parvenir à mon objectif, j’aiderais ce garçon comme je le pouvais. Mais dès que j’aurais obtenu ce que je voulais qu’il ne compte plus sur moi. Je n’avais nullement l’intention de me lier d’amitié que ce soit avec des humains ou d’autres IAI pour moi, tout n’était qu’accords et arrangements qui consistaient à mon bien-être personnel. Oui, je suis égoïste. Et c’est cet égoïsme qui me permettait pourtant de m’ouvrir à d’autres pour satisfaire mes propres besoin.

Par ailleurs, il fallait maintenant trouver un moyen pour lui et moi de se retrouver lorsque nous devrions parler affaire ou nous transmettre des informations. Lui passer mon numéro de portable me semblait peu approprié car je craignais que Sven ne l’ai mis sur écoute. Mieux valait rester prudent. Mais à force de prudence, je craignais de devenir paranoïaque. Décidément, Sven me paierait pour tous les tourments qu’il me faisait subir… Peut-être trouver un intermédiaire ? Non, mauvaise idée. Quoiqu’elle prit une autre forme. Si nous pouvions trouver un endroit discret… Ou mieux : qui ne l’est pas justement et où nous pourrions nous laisser des messages sans attirer l’attention pour organiser des entrevues. Car parfois, aussi curieux que cela puisse paraître, plus on tente d’être discret et moins on l’est.

Le regard posé sur le sol, Néo semblait bien parti dans le monde des songes. La confiance qu'il accordait à Neuro était moindre, très faible et surtout au trois quart inexistantes. Il ne pouvait pas lui faire confiance, et encore moins lui confier sa vie. Il savait que cet être ne serait pas son "ami", juste une connaissance qu'il éviterait une fois que chacun aurait sa liberté. Et il ne doutait pas que pour Neuro, cela serait identique. Mais les raisons seront différentes, sans le moindre doute. Lui ne pouvait pas enlever ces souvenirs qu'il avait vu, par mégarde. Il ne pouvait pas oublier ce vieil homme. Et l'idée qu'il puisse un jour s'en prendre à lui l'inquiétait.

« Je n'en doute pas un instant. Je ne comprends pas pourquoi il tient tant à nous avoir sous sa main de fer, mais c'est bien pour une raison. »

Il ne le savait pas, mais il ne tarderait pas à le savoir. Pour la simple et bonne raison qu'une fois déterminée, il serait beaucoup plus simple de savoir comment conserver sa liberté et comment empêcher les autres incarnés à croire avec autant de foi en Sven. C'était dommage de voir que certains s'étaient laissé embarquer par les belles paroles et les beaux gestes de Lovick. Et une fois empêtré dedans, personne n'en quitterait, sauf s'ils connaissaient une autre vie, avant de rejoindre les chemins du maire.

Ecoutant la réponse de son interlocuteur, Néo espéra de tout cœur qu'il n'aurait pas besoin de l'aide de l'autre incarné, ni même à l'aider. Même s'il savait que c'était une chose anormale d'être un simple prisonnier, une simple marionnette obligée de subir, sans pouvoir prendre son libre arbitre. Il savait qu'il ne pouvait laisser l'autre dans cette situation, puisqu'elle était anormale, mauvaise et surtout dangereuse. Parce qu'il fallait faire attention au chemin qu'on suit, faire attention à ne pas tomber devant les dangers de cette vie, a ne pas faire comprendre à quelqu'un d'un peu trop fanatique que Sven était un employeur qui nous intéressait pas, qu'on ne l'aimait pas, qu'on le méprisait, plus exactement.

« Je te remercie. »

Néo avait laissé tomber le vouvoiement, pour la simple et bonne raison qu'il n'était pas utile de vouvoyer un collègue de travail. Ce n'était pas dans les habitudes qu'il avait eu jusqu'à maintenant. Ce ne serait pas pour autant que l'Elfe allait l'adorer et le vénérer, non, il y avait toujours ce sentiment qui lui collait à la peau. L'impossibilité de pouvoir lui faire confiance. Le même problème qu'avec Nataku. Faire confiance aux autres...

« Je m'appelle Néo. Néo Anderson. »

Cela semblait anodin peut-être même un peu dangereux, mais il voulait avoir l'identité de son interlocuteur. Pour la simple et bonne raison qu'il était plus simple de le contacter avec un nom et un prénom que de chercher un simple inconnu dans la ville de Tokyo, qu'un simple visage... Bon, certes, trouver des cadavres le mènerait rapidement à Neuro, mais cela, il ne préférait pas y penser.

[Pourri comme reponse, mais j'ai un mal fou à te répondre :/]

Le garçon m’apprit qu’il s’appelait Néo Anderson. Ainsi, il avait décidé de me dévoiler son identité.

« Neuro. » répondis-je du tac au tac.

Je n’avais pas de réel nom de famille. Sur Raizen World, j’étais simplement Neuro. Sur terre, j’avais dû opter pour un nom de famille dans le cadre de ma profession mais il n’y avait aucun intérêt à ce que Néo le sache.
“Nougami Neuro“ voilà comment je me faisais appeler autrefois. Néanmoins, il y avait bien quelques collègues plus ou moins “proches“ qui m’appelaient par mon prénom. Au fond, cela m’était égal que l’on m’appelle Nougami ou Neuro. Pour moi, c’était du pareil au même.

Le temps passait et j’avais encore du travail. Je devais continuer d’épier Aylin même si je doutais qu’il se passe quelque chose d’intéressant… A présent que j’étais repu, je n’avais plus d’excuse pour ne pas continuer à travailler. Néanmoins, je ne pouvais pas quitter Néo sans avoir pris la peine de convenir avec lui d’une prochaine entrevue dans un endroit plus calme. Plutôt que d’échanger nos numéros de portables, je lui proposais une date et une heure pour nous retrouver. Le lieu ? Aussi surprenant que cela puisse paraître je prononçais les mots suivants :

« Au karaoké. »

Je lui citais le nom d’un karaoké en particulier qui se situais non loin de mon ancien lieu de travail. J’avais déjà eu l’occasion de m’y rendre avec des collègues de boulot qui avaient absolument tenu à m’embarquer. Je n’ai pas vraiment eu le choix et puis en même temps, je devais bien admettre que j’étais curieux de voir à quel genre de loisir s’adonnaient les créatures de ce monde. Mon verdict après cette expérience fut le suivant : pathétique. Et l’opinion que je me suis fait de ce genre de pratique n’a rien à voir avec le fait que l’on m’avait forcé à chanter et que l’on m’avait fait remarquer que je ne savais pas chanter – je dois même admettre qu’ils n’avaient pas tort sur ce point et je suis bien heureux de ne pas avoir été filmé ni même enregistrer – mais, simplement, je n’avais pas trouvé cela intéressant. Néanmoins, je ne regrettais pas de m’y être rendu car à présent je savais ce qu’était un karaoké et que je ne passerais pas pour un ignare si l’on m’en parle – même si actuellement, les probabilités pour que l’on me parle de cela sont nulles car je vois mal monsieur le maire ou un de ses hommes de mains m’en parler – mais aussi et surtout, les karaokés japonais avaient l’avantage d’être des lieux forts fréquentés mais aussi bien isolés !
En effet, les karaokés japonais sont généralement des établissements composés de plusieurs salles privatives bien isolées qu’il est possible de réserver pour une heure voir même une soirée entière. Et c’est là que cela devient intéressant : rien ne m’empêche de réserver une salle et de discuter avec Néo sans avoir à craindre d’être entendu par qui que ce soit.

Je fixais Néo. Attendant qu’il me donne son avis. Avait-il seulement déjà mis les pieds dans un karaoké ? Si ce n’était pas le cas, sans doute ne comprendrait-il pas l’idée… Je n’avais pas envie de perdre mon temps à lui donner des explications maintenant mais bon, s’il le fallait, je prendrais la peine de le faire. De toute façon, s’il me demandait une justification, autant préciser qu’elle serait claire et concise. Inutile de me perdre dans des détails sans aucun intérêt.

« A moins que tu aies une meilleure idée à proposer ? » m’enquis-je ouvert à d’autres propositions à la condition qu’elles soient bonnes.

» Quand la faim devient insupportable. [clos]
» Quand la lapine s'agace... [Seichiro X]
» Quel est votre livre de chevet?