Rencontre entre Lovick (PV : Papa)

L’aube avait trouvé la petite fille endormie sur le banc d’un parc. Elle n’avait absolument pas prévue d’y dormir, mais les choses n’étaient pas toujours ce qu’on voulait, et la petite demoiselle avait oublié qu’elle s’endormait facilement sur place même quand elle ne le voulait pas. Cependant elle avait eu de la chance, c’était que la nuit n’avait pas été particulière froide. Elle aurait pu attraper aisément froid sinon. Il fallait dire qu’il ne faisait pas réellement froid pour un mois d’hiver, ce qui expliquait qu’elle soit restée dehors sans se chercher un autre abri. En même temps, elle n’aurait pas trouvé grand-chose d’autres pour passer la nuit en sécurité. Ce n’était pas avec 1200 yens qu’elle pouvait songer à se payer une nuit d’hôtel. Elle devait rester économe si elle voulait pouvoir prendre sa revanche sur les siens.

Le bruit d’un oiseau à proximité tira la jeune Alicia de son sommeil. Chassant les restes de son sommeil en passant ses mains sur ses yeux, la jeune fille aux cheveux rouges retint un soupir de lassitude. Elle n’avait toujours pas décidé de son comportement vis-à-vis de son père. Elle mourrait d’envie de l’observer ne serait-ce une fois, pour voir comment il était –tant physiquement que mentalement-. Mais elle savait que ce serait dangereux, car elle savait très bien sa position dans la ville, et trouver le maire seul serait une tâche complexe. Passant sa main devant ses yeux pour chasser une mèche indisciplinée, la fillette eut un étrange sentiment en observant la gourmette qu’elle avait à son poignet. Elle méconnaissait totalement son père tout comme ce dernier la méconnaissait.

*Même si je le trouve, je lui dirais quoi ?*

Non, l’idée de rencontrer l’homme n’avait rien d’intéressant au final. Croirait-il les mots d’une petite demoiselle qui n’avait rien pour les prouver ? Après tout, hormis une gourmette, elle n’avait rien de significatif pour prouver qu’elle était bien la fille du maire. Elle aurait peut-être du prendre son livre, pour le laisser à son père. Peut-être aurait-il compris ? Ou peut-être non. Peut-être qu’elle se compliquait trop la tâche et que quelque soit ses réactions, elle n’avait au final rien à lui dire. Ils seraient à jamais deux inconnus. Elle ne tenait pas à le déranger. Autant le laisser vivre sa vie qu’il s’était construit. Elle survivrait très bien toute seule.

Quittant le banc avec sa résolution, la jeune Alicia n’avait pas encore décidé réellement de ce qu’elle ferait à l’avenir. Oh certes, elle avait déjà une notion de ce qu’il lui faudrait : un moyen de gagner un peu d’argent pour pouvoir se trouver un logement. Elle ne retournerait pas à l’orphelinat. Elle ignorait encore si elle resterait à Tokyo ou non. L’idée de bouger un peu l’attirait, plus pour fuir et éviter toute rencontre avec son père. Elle n’avait pas envie de le croiser. Ou plutôt si. Elle en mourrait d’envie, mais elle craignait cette rencontre et préférait donc l’éviter autant que faire se peut.

« Regardez ! Un de ces monstres ! »

Alicia ne prit pas la peine de se tourner vers ceux qui se croyait intelligents. S’ils savaient qu’elle n’avait jamais quitté ce monde, ils auraient été bien étonnés. Mais elle ne prendrait pas la peine de les détromper. Que les autres croient ce qu’ils veulent, ce n’était plus son problème. Le seul dont le regard importait un peu était son père. Mais il n’apprendrait jamais son existence, donc elle n’avait pas à s’inquiéter. Tant qu’il ne la traitait pas comme ces garçons, tout irait correctement.

« Regardez ! Elle a peur ! »

La jeune adolescente entendait bien des bruits de pas qui la suivait, mais elle n’y prêtait pas la moindre attention. Après tout, ils finiraient bien par se lasser et la laisser en paix. Mais à peine cette idée lui fut parvenue qu’elle comprit que non. Une main sans délicatesse lui agrippait ses cheveux rouges désordonnés pour tirer dessus. Lâchant une tape sur la main qui l’agaçait comme l’aurait fait un parent la jeune fille jeta un regard froid sur les trois jeunes adolescents qui lui faisait plus ou moins face.

Les journées s’enchainaient tout comme les enquêtes de Sven. C’était assez complexe d’aller à la pêche aux informations mais il fallait bien s’y mettre à un moment ou un autre. Ceci dit, dans de rares occasions le maire aimait s’accorder un peu de liberté. Juste ce qu’il fallait pour ne pas faire exploser le crâne de scientifiques incompétents, de ne pas aller éliminer ses opposants, bref, ce genre de chose. Sven aimant particulièrement le calme, il décida de se rendre aux jardins. Là-bas on pouvait se ressourcer, apaiser un peu ses mots. La balade tranquille débuta donc simplement par l’observation des dernières feuilles mortes, de l’herbe immobile… De gamins en train d’agresser une jeune fille aux cheveux rouges. C’était inadmissible d’attaquer déjà une fille mais en plus à trois contre un… Les jeunes de nos jours avaient vraiment besoin d’être éduqués!

L’homme à la chevelure rouge soupira avant de s’avancer vers le groupe. Dire qu’à la base il comptait tout simplement se relaxer, être seul et se vider la tête. C’était raté. Il n’était pas du genre à laisser ce genre d’évènement se dérouler sans intervenir. Après tout Sven était le maire de Tokyo et il était sensé montré un peu l’exemple. Passer comme ça et peut-être laisser mourir cette fille, c’était une option tout simplement inenvisageable.

"Hé, qu’est-ce que vous croyez faire là au juste? Trois contre un, il va falloir rééquilibrer les choses…"

Dit-il simplement en fixant froidement les petits prétentieux de service tout en faisant craquer ses poings. N’oublions pas que Sven n’est pas maigrichon, il a une bonne musculature. Et puis, surtout, que pouvaient bien faire des petits face à lui? S’ils avaient une arme lui en avait également et savait bien mieux viser. De toute façon il doutait fort que les trois garçons avaient songé un instant que quiconque viendrait défendre la jeune fille. Il eut d’ailleurs raison puisqu’ils pestèrent avant de s’en aller et de menacer celle que Sven venait de défendre.

Le maire regarda un moment la fillette qui avait des ressemblances lointaines avec Mina. Elle avait les cheveux rouges, les yeux rouges… Pendant un instant l’idée qu’elle soit également une mage rouge l’effleura mais celle-ci s’effaça bien vite. Après tout, elle leur aurait fait la peau si ça avait été une IAI. Sven remit machinalement ses lunettes en place. Il n’était pas vraiment le pro de la discussion, surtout lorsqu’il s’agissait de parler avec des enfants inconnus. Il restait donc sur une discussion basique.

"Ca va aller?" Demanda-t-il avec un brin d’inquiétude.

Bon, c’était une question stupide car ça ne devait pas aller après s’être fait agresser… Enfin l’homme ne voyait pas vraiment quoi dire d’autre. Ah, si, Sven se permit de comparer sa génération à celle actuelle.

"De mon temps, les garçons savaient respecter les filles. On se demande qui éduquent les jeunes aujourd’hui…"

Bien évidemment le maire ne savait pas qui était celle qui était en face de lui. Ce n’était qu’une fille qui n’avait pas eu de chance et désormais elle était hors de danger. Sven ne se voyait pas la raccompagner chez elle aussi lui proposa-t-il simplement si elle voulait qu’il lui paie le taxi pour rentrer. L’affaire serait ainsi réglée et il pourrait tranquillement continuer sa balade de relaxation.

Vais-je intervenir?

Résultat: 69

Oui!! Préparez-vous... J'arrive...

La petite demoiselle ne bronchait pas, se contentant de lancer son regard glacial sur les trois garçons. Elle ne devait pas paraitre assez inquiétante, puisqu’ils ne semblaient pas motiver à la laisser en paix. Elle allait devoir songer à améliorer son regard glacial. Mais pour l’instant, elle préférait se débarrasser de ces trois zouaves qui préféraient l’agacer. A croire que le monde entier avait décidé de l’agacer. Mais bon, quand ils en auraient marre, ils finiraient par partir. Le silence avait tendance à toujours les refroidir. C’était bien un des avantages à ne pas parler souvent… Les autres se lassaient… Enfin certains.

Une voix, grave et froide retentit à peine à quelques pas derrière elle. Observant en silence les trois gamins se regarder, regarder l’inconnu et partir tout en la menaçant. Sa seule réaction fut de les regarder toujours aussi froidement quand ils partaient. Ces garçons étaient d’une stupidité affligeante. Mais elle ne pourrait rien y changer. Juste faire attention à ne pas les recroiser, puisqu’ils prendraient à coup sur leur revanche. Se retournant tranquillement pour faire face à celui qui l’avait sortit des griffes des trois garçons, la fillette retint son surpris.

*Qu’est-ce qu’il fait là !*

Elle aurait pu ne pas le reconnaitre, mais elle avait eu la curiosité de chercher à quoi il ressemblait. Et il fallait dire qu’il ressemblait plutôt bien à ce qu’elle avait pu voir. Un homme relativement âgé –bien qu’ayant encore jeune -, les cheveux rouges mais bien moins voyants que les siens, des petites lunettes sur le bout du nez… Oh oui, elle avait compris qu’elle avait face à elle cet homme qu’elle avait choisi de laisser de côté, d’ignorer dans sa vie. Mais là, il était venu la protéger sans même la connaitre. Et ca changeait tant de choses. Ca aurait été n’importe qui d’autres, la petite demoiselle n’aurait pas pris la peine de remercier la personne. Mais là, elle sortit avec toute sa froideur coutumière un simple

« Merci. »

"Ca va aller?" La question de son père pouvait paraitre anodine, mais pour elle, elle était importante. Non pas parce qu’il se préoccupait de sa fille, non, mais parce qu’il était moins effrayant qu’elle l’avait cru. Elle aurait peut-être pu vivre avec lui, si tel avait été son choix. Mais elle devait s’en tenir à son choix initial. Après tout, il se moquerait surement si elle lui disait froidement qu’elle était sa fille. Puis ce n’était pas comme si elle avait quoi pour prouver sa filiation. Alors autant le laisser dans l’ignorance.

« Ca ira. » Le ton toujours aussi froid, masquant sans difficulté le mensonge qu’était ces deux mots. Comment pouvait-elle aller bien, quand elle faisait face pour la première fois à son père ? Comment pouvait-elle aller bien, quand elle choisissait de faire passer le bonheur de son père avant le sien ? Oh bien sur, son petit visage était toujours impassible, comme celui d’une poupée de porcelaine. Mais cela ne l’empêchait en rien de ressentir des sentiments comme tous les autres. Sauf qu’elle avait appris rapidement à ne pas les montrer. Simple différence d’avec les autres enfants.

Ecoutant à peine l’autre phrase, la petite demoiselle était tiraillé par l’envie de partir et celle de poser toutes les questions possibles et inimaginables à son père. Elle voulait fuir, parce qu’elle avait peur. Peur de ce qui pourrait se passer si elle laissait échapper son secret. Mais en même temps, elle était curieuse vis-à-vis de l’homme. Si elle pouvait en apprendre sur lui, elle ne serait pas du tout contre. Juste qu’elle ne se voyait pas lui dire froidement qu’elle était sa fille. Laissant son regard se baisser, la petite demoiselle retint une grimace de désarroi en constatant qu’elle avait perdu la gourmette de son père. Délaissant totalement l’homme, Alicia se centra sur le sol et commença à chercher sa gourmette.

Au moins la fillette, elle, était polie. Elle avait remercié le maire, ce à quoi il répondit qu’il était bien normal qu’il intervienne. Enfin, apparemment la demoiselle semblait vouloir se débrouiller toute seule. Très bien, il n’allait pas la forcer. Au moins Sven avait fait le strict minimum et on n’aurait rien à lui reprocher. Alors qu’il allait lui dire au revoir et continuer simplement sa balade, il remarqua que la jeune fille semblait chercher des yeux quelque chose. Avait-elle perdu un objet? Sven fixa alors le sol à son tour, cherchant un objet ou un bijou… Et tomba nez à nez avec un objet qui lui était plus que familier. A vrai dire il fut véritablement choqué de le voir. Cela faisait des années qu’il croyait l’avoir perdu pour toujours. C’était bien plus qu’un objet à ses yeux, c’était… La dernière chose qui lui rappelait sa défunte mère. Elle lui avait offert cette gourmette un peu avant de se faire tuer par son père par sa faute.

Cet objet était très précieux pour lui, mais il l’avait perdu un jour et n’avait jamais pu réussir à mettre la main dessus. Et voilà que le hasard amené là ce précieux objet. Etait-ce cela que recherchait la fillette? L’avait-elle trouvé? D’où tenait-elle cette gourmette? Sven ne comptait pas l’accusé car, après tout, depuis le temps cet objet avait du voyager encore et encore. Elle n’avait sans doute aucune idée que cela lui appartenait. Et cela incluait donc qu’il ne récupérerait jamais sa gourmette… Ce n’était pas si triste, après tout il s’y était fait il y a un bon moment déjà.

Le maire se baissa donc, ramassant la gourmette délicatement avant de la tendre à la demoiselle. C’est d’ailleurs en la tendant qu’il remarqua qu’une inscription avait été faite dessus. Il sut contenir une certaine colère et ne pas l’exprimer du tout… Cette petite ne savait pas, après tout… Elle s’était juste approprié l’objet.

"C’est cela que tu cherches… Alicia? Enfin je suppose que c’est ton nom si tu portes cette gourmette?"

Il n’irait pas plus loin. Ca représentait trop de souvenirs douloureux. Cale lui faisait revenir en tête de terribles tourments. Pourquoi n’avait-il su sauver sa mère de son père? Pourquoi avait-il fallu que son désire d’apprendre provoque autant de drames… Pourquoi est-ce que la majorité des êtres humains étaient aussi cruels gratuitement? Sven s’en voulait tellement d’avoir été incapable de sauver sa pauvre mère, elle qui avait été la seule à le défendre. D’ailleurs c’est à partir de ce jour là qu’il décida de rester le plus seul possible. C’était bien trop risqué d’avoir quelqu’un à ses côtés… Sauf si cette personne était une IAI. Les IAI étaient vraiment aptes à se débrouiller grâce à leurs pouvoirs ou à leur force. C’est sans doute pour cela que le maire les côtoyait autant.

Le maire avait donc l’intention de partir peu après qu’elle lui réponde. Après tout cet objet appartenait au passé et il n’était plus tout à fait certain de vouloir conserver un objet si lourd de sens.

Ceci dit une inquiétude persista un petit moment… La fillette disait que ça irait mais si les trois rigolos la retrouvait avant qu’elle ne rentre chez elle, est-ce que ça irait vraiment? Ce n’était finalement pas très prudent de la laisser rentrer seul. C’est pourquoi, après une légère hésitation, Sven lui demanda:

"Puis-je tout de même t’accompagner là où tu te rends afin d’être sûr que les trois ne te retombent pas dessus?"

Bon, ça repoussait légèrement sa promenade… Mais que diraient les journaux si la petite finissait vraiment par se faire attraper par les trois revanchards?

Le regard posé sur le sol, la demoiselle n’écoutait plus les paroles de Sven, le laissant parler pour ne rien dire. A vrai dire, la petite demoiselle tenait à tout pris à retrouver sa gourmette avant que son père ne la trouve et ne la reconnaisse. A condition qu’il s’en rappelle, ce que la demoiselle n’était pas sur. Au fond de son cœur, elle espérait qu’il la reconnaisse, puisqu’elle avait d’un certain point de vue envie de lui dire la vérité. Certes, elle savait qu’elle ne représenterait jamais rien pour lui, mais c’était tentant de lui dire. Mais elle n’avait aucune envie d’être refoulée par l’homme lui faisant face. Alors elle préférait qu’il ne trouve pas la gourmette avant elle. Pour ne pas avoir à répondre à des questions indiscrètes. Elle n’avait pas envie de lui dire, même si paradoxalement, elle en brulait d’envie.

"C’est cela que tu cherches… Alicia? Enfin je suppose que c’est ton nom si tu portes cette gourmette?"

Relevant la tête en entendant son prénom, la fillette se demanda comment il pouvait le connaitre, avant de tomber nez à nez avec la gourmette. C’était pour ça qu’il savait son prénom. Elle avait été le graver à l’intérieur, quand elle espérait encore qu’on la sortirait de l’orphelinat. Mais personne n’était venu et elle en était partie toute seule. Visiblement, il n’avait pas reconnu la gourmette, ce qui la soulageait un peu. Elle n’avait pas envie d’avoir à répondre à ses questions.

« Merci, monsieur Lovick. »

Laissant son regard rouge se poser sur son interlocuteur, Nin’jin tendit la main pour la récupérer. Elle n’avait pas fait attention en lui disant qu’elle savait qui il était. Et en même temps, cela n’avait rien d’inquiétant, puisqu’il était le maire de Tokyo. Presque tout le monde savait qui il était. Alors même si elle était une jeune adolescente, tout pouvait s’expliquer. Rien d’inquiétant. Il aurait été un sombre inconnu, la petite demoiselle n’aurait jamais pu le retrouver aussi aisément, surtout avec le nombre d’âmes de Tokyo.

Attrapant la gourmette, la demoiselle la remit à son poignet, faisant attention à bien fermé le fermoir sur une maille plus près qu’avant, pour éviter de perdre encore sa gourmette. Cela l’ennuierait profondément de ne plus l’avoir. Après tout, c’était le seul objet de sa véritable famille, puisqu’elle avait choisi de laisser son livre derrière elle. Elle aurait pu l’emmener, si elle ne craignait pas que son père tombe dessus. La gourmette était plus simple à masquer, même s’il l’avait vu Il ne semblait pas s’en rappeler. Et ce constat suffisait à l’adolescente.

Ecoutant la seconde remarque de l’adulte, la fillette se retint de lâcher un soupir. Elle avait la poisse complète, n’est-ce pas ? Entre croiser son père alors qu’elle tenait à ne pas le voir et avoir le droit à un être surprotecteur, Alicia sentait qu’elle était plutôt très mal partie dans cette histoire. Le problème en soit n’était pas que la proposition de l’homme, mais surtout qu’elle n’avait aucun endroit où elle comptait se rendre et elle ne pouvait décemment pas dire ça au maire de Tokyo. Non, il lui faudrait enjoliver la réalité.

« On m’a toujours dit de ne pas suivre des inconnus. »

Elle espérait bien que cette remarque suffirait à réfréner l’instinct protecteur de son père. Elle ne voulait pas qu’il sache qu’elle était au fond qu’une fugueuse. Elle n’avait aucune envie de retourner à l’orphelinat. Elle y avait passé trop de temps, et elle s’était plus perdu qu’autre chose. Si elle voulait vivre réellement, il fallait qu’elle le fasse seule. Et hors de question de chouiner dans le pantalon de son père sous prétexte que c’était son père. Il l’ignorait et ce n’était pas plus mal.

Des évènements improbables se produisirent ensuite... En effet, contre toute attente le maire exprima oralement ses pensées concernant le fameux objet marquant ce lien père-fille qu'il ignorait. Il exprima donc que cet objet lui appartenait. Mais ce ne fut pas tout... La gourmette disparut à ce moment du poignet d'Alicia pour se retrouver sur celui de Sven.

J'ai été plutôt indulgent cette fois, mais peut-être pas la prochaine fois...

Sven fut surpris un moment lorsqu’il entendit son nom dans la bouche de la jeune fille mais rapidement il se dit qu’il était après tout le maire… Il était donc normal que certaines personnes sachent son nom. Malgré tout cette histoire de gourmette l’embêtait un peu… Une voix intérieure lui disait d’essayer de reprendre son bien mais comment aurait-il pu faire? Elle l’avait désormais récupérer. Tant pis, c’était foutu maintenant… Il n’avait plus qu’à prier pour qu’elle ne perdre pas ce précieux objet et qu’elle en prenne bien soin

"En tout cas c’est une bien belle gourmette que tu as là. Essaie de ne pas la perdre… Ni de trop l’abimer."

Il s’arrêta là, il n’allait pas en dire plus. De toute façon, il valait mieux que les choses se déroulent ainsi. Alicia repartait avec son ancienne gourmette et éloignait ainsi les anciens démons de Sven. De toute façon la fillette avait clairement exprimé son refus. Elle ne suivrait pas un étranger. C’était sage en effet, risqué mais sage. Il respecta cependant son choix.

"Très bien, alors rentre bien."

Il allait continuer sa route tranquillement et se relaxer quand, tout à coup, sa pensée fut étrangement exprimée oralement… Pourtant il n’était pas du genre à parler à voix haute. Pourquoi venait-il de lui demander si elle savait qu’il s’agissait de sa gourmette qu’il avait perdue il y a longtemps? Mystère… Et l’autre mystère fut celui concernant la gourmette qui fut alors attachée sur son poignet. Nul besoin de dire que désormais le maire étant totalement confus. Tout cela chamboulait vraiment ses plans.

La petite allait croire qu’il voulait récupérer sa gourmette… Il fallait donc la lui rendre. Mais le fait qu’elle se retrouve de nouveau sur son poignet était peut-être un signe? Etait-ce l’esprit de sa mère qui voulait qu’il récupère son cadeau? Sven étant assez terre à terre en doutait. En tout cas tout cela était vraiment dérangeant. Il enleva doucement la gourmette de son poignet et essaya de rattraper la situation comme il le put.

"Mais maintenant c’est la tienne. Je ne sais pas comment tu l’as eue mais la loi veut qu’au bout d’un an et un jour on peut garder l’objet trouver… Et cela fait bien…"

Sven réfléchit un moment avant de répondre car cette affaire datée… Il était encore tout jeune à l’époque. C’était la période des études… Mais aussi des très rares fêtes. Il n’en avait fait que deux et ne se souvenait plus de l’une d’entre elle. Depuis cette expérience jamais plus il n’avait tenté de recommencer à s’amuser.

"Treize ans, peut-être un peu plus je crois."

Il lui tendit de nouveau la gourmette et ajouta simplement.

"Je ne vois pas comment elle s’est retrouvée soudainement sur mon poignet."

Le maire se demandait si la fillette allait le croire ou non. Enfin, Sven ne voyait pas comment il aurait réussi ce tour de passe-passe sans même bouger le petit doigt. Il y avait vraiment des évènements étranges ces temps-ci… Il se demanda même si la conscience de Raizen World y était pour quelque chose.

*Ce serait vraiment étrange que cette conscience n’ait que ça à faire… Téléporter des objets…*

Etrange et pourtant bien vrai…

La petite demoiselle espérait qu’il allait partir rapidement. Parce qu’elle ne voulait pas lui avouer la vérité. Ce ne serait à coup sur pas bénéfique pour sa personne et un peu égoïstement, elle préférait d’abord penser à elle, avant de penser à son père. Après tout, ce ne serait pas un drame pour lui s’il n’apprenait jamais son existence. Mais s’il la repoussait, ce serait un drame pour elle. Alors elle préférait rêver en se préservant dans la réalité. Ecoutant les paroles de son père, la demoiselle aurait pu sourire. Une si simple mise en garde, mais elle prendrait soin de la gourmette.

« Elle était à mon père. »

Posant son regard rouge sur son père, la fillette ne prit pas la peine d’en dire plus. Soit il se convaincrait qu’il confondait les deux gourmettes, soit il se poserait des questions. Mais elle doutait qu’il se pose des questions. Après tout, cela faisait longtemps qu’il n’avait pas revu sa gourmette, alors de la à s’en rappeler dans les moindres détails, c’était quasiment improbable. Elle n’avait aucun espoir sur ce point-là.
Se détournant elle aussi, elle allait repartir en s’éloignant de son père, bien que l’envie de l’observer de loin la tiraillait, elle s’arrêta net en entendant la voix de son père dire qu’il s’agissait de sa gourmette. Posant instinctivement son regard vers son poignet, elle ne put que constater avec effarement que le bijou n’y était plus. Se mordillant l’intérieur de la lèvre, la fillette retint un soupir d’agacement. Elle allait finir par devenir folle avec sa gourmette qui tombait sans cesse. La prochaine fois, elle la mettrait dans sa poche pour être sûre de ne pas l’égarer encore. Jetant son regard à même le sol dans le but de la trouver, la fillette écouta avec intrigue les paroles de son père. Elle pouvait la garder… Sauf qu’elle ne l’avait plus. Et qu’elle n’avait pas l’air d’être tombée au sol. Mais où était passé cette gourmette ?

Entendant encore une fois la voix de son père, la fillette releva la tête vers lui, pour apercevoir qu’il tenait le bijou. Là, elle ne comprenait pas, et l’explication de son père la laissait perplexe. Non pas qu’elle ne le croit pas, mais c’était un peu tirer par les cheveux comme idée… Sauf qu’il n’avait pas pu la lui retirer en si peu de temps. Observant la gourmette, Alicia retint un soupir. Elle ne savait pas pourquoi elle avait ce sentiment, mais elle ré-éleva à nouveau la voix. Elle en avait déjà trop dit de toute manière.

« Vous pouvez la garder, j’en ai eu besoin pendant treize ans, mais maintenant, ca ira. Après tout, c’est bien la votre.

Sans plus en dire, Nin’jin tourna les talons et s’éloigna rapidement de son père. Elle ne voulait pas l’entendre hurler qu’elle mentait. Alors elle optait pour la fuite. C’était bien la seule solution qu’elle avait à porter de main.

*Mais pourquoi il a fallu que je lui dise ! Nin’jin, tu es une idiote !*

Elle était à son père? Pendant un instant Sven resta quelque peu sceptique. Parlait-elle de lui? Non, impossible étant donné qu’elle l’avait dit avant même qu’il lui apprenne. Aussi le maire se dit qu’Alicia devait sans doute parler de son père, qui avait eu la gourmette avant elle. Mais, afin de s’ôter tout soupçon, il lui demanda simplement.

"Ton père l’a trouvé lui aussi? Non je demande simplement parce que je l’avais perdu et je me demandais si on me l’avait volé ou pas. Enfin, il se peut que je l’avais laissé tombé ce sont des choses qui arrivent."

Son père… Penser au fait d’être parent lui rappela Mina. C’est vrai, c’était un peu comme sa fille, il l’aimait beaucoup cette petite là. Certes, elle n’était pas sa fille de sang et avait un sacré caractère mais bon, au moins quelque part il avait quelqu’un a ses côtés. C’était bizarre, mais cette petite lui rappelait Mina mais… En beaucoup plus calme. Non, il se faisait des idées, c’était les cheveux rouges ça! Et ces yeux rouges. Elle semblait cacher quelque chose. Ce n’était sans doute qu’une impression, ça c’était à force de toujours observer les gens, le maire avait tendance à vouloir trouver quelque chose de cacher chez ses interlocuteurs.

Maintenant Alicia souhaitait qu’il garde la gourmette. Sven ne comprit pas bien pourquoi. Ses propos étaient étranges… Pourquoi en avait-elle eu besoin durant treize ans? Avoir besoin d’un bijou comme ça, cela lui semblait vraiment bizarre. Qu’est-ce que ça lui apportait, ça lui semblait nécessaire et maintenant c’était fini? Les enfants sont vraiment des êtres compliquées, surtout les enfants du sexe féminin. Sven ne pouvait rester dans le flou aussi se renseigna-t-il à la source.

"Mais pourquoi n’en as-tu plus besoin maintenant? C’est certes la mienne mais je veux bien te la laisser. Tu y tiens peut-être plus que moi."

Il ajouta, sans savoir qu’il était vraiment concerné.

"Et je suppose que ton père voudrait que tu la gardes, s’il te l’a donné, tu ne crois pas?"

Sven débita tout cela en poursuivant d’un pas rapide la fillette. Il ne comprenait pas vraiment pourquoi elle s’en allait, pourquoi elle réagissait ainsi. L’homme à la chevelure rouge était vraiment perdu dans tout ça. Il devait sans doute ne pas comprendre un truc mais quoi? Il espérait que les réponses de la fillette l’éclaireront un peu.

Si Sven avait été à la place du père il aurait sans doute été très attristé de voir sa fille rendre un cadeau qu’il lui avait fait à son premier propriétaire… Alors sans doute était-ce un geste de générosité mais il pouvait sans passer. Il espérait qu’elle le comprendrait, qu’elle reprendrait sa gourmette et que tout rentrerait dans l’ordre.

Observant le regard sceptique de son père, la fille ne rajouta pas le moindre mot, préférant de loin le laisser dans le flou complet, ce ne serait pas plus mal, surtout pour elle, à condition qu’il ne soit pas trop collant pour obtenir des réponses là où elle préfèrerait un silence. Car il avait beau être son père, elle n’en restait pas moins assez peu sociable… Quoiqu’elle avait une performance assez poussée depuis qu’elle l’avait rencontré… Un exploit en somme.

Ecoutant sa question sur l’origine de la gourmette, Nin’jin ne voulait pas lui mentir et encore moins lui en dire plus. Après tout, elle ne tenait pas à ce qu’il la rejette, en la traitant de menteuse. Alors elle choisit de ne pas y répondre, se calfeutrant dans un silence qui la rassurait et en haussant les épaules sans autre explication. L’ignorance était la meilleure défense, même si elle mentait par omission à l’homme. Après tout, il ne l’apprendrait jamais… Ne se centrant plus sur l’homme, Alicia entreprit de s’éloigner. Pour ne pas être tenter de tout lui dire, pour laisser derrière elle ce passé, cette famille qui la tourmentait un peu. Oh, pas que ne pas connaitre son père soit son but, mais elle sentait que si elle restait près de lui, elle finirait par lui dire la vérité. Et cela était ce qu’elle ne voulait pas lui dire. Elle préférait garder son secret, sans le partager. Après tout, il l’apprendrait peut-être un jour si l’orphelinat se mettait subitement à sa recherche, chose dont elle doutait fortement.

Bien que s’éloignant, Alicia entendit la voix de son père ainsi que ses bruits de pas qui la suivaient. N’abdiquerait-il jamais ? L’écoutant tout de même, la fillette comprit qu’il n’avait pas comprit ce qu’elle sous-entendait, ce qui était normal, puisqu’il ignorait l’existence d’une fille de son sang. Elle ne pouvait pas expliquer pourquoi, mais ce constat la chagrinait un peu. Pourquoi n’en avait-elle plus besoin ? Parce que regarder le bracelet n’aurait fait que la blesser un peu plus, comme avec le livre. C’était pour ca qu’elle l’avait laissé derrière elle. Qu’au fond, y accorder trop d’importance revenait à prendre le risque qu’on le lui enlève, qu’elle soit blessée émotionnellement et elle ne le voulait pas.

« Mon père ne me l’a jamais donné. En fait, il ne sait même pas qu’il a une fille. Je ne vois pas la raison de la garder plus. »

Plantant son regard dans celui de son père, Nin’jin reprit son chemin en silence. Elle n’avait rien à ajouter. Après tout, il n’allait jamais ce dire qu’elle parlait de lui en parlant d’un père. Après tout, qui aurait cette idée ?

« Désolée de l’avoir abimé. »

Elle n’avait pas besoin d’en dire plus, elle savait parfaitement que l’homme comprendrait qu’elle parlait de l’inscription tremblante et peu lisible se trouvant à l’envers du prénom du maire. Le prénom de la petite demoiselle qui faisait face à Sven.

Que les propos de la fillette furent tristes. Vraiment… Comment un père pouvait ignorer d’avoir une fille? Et surtout comment pouvait-elle avoir un objet de son père sans qu’il sache qu’elle était sa fille? Sven ne le savait pas trop mais c’était véritablement terrible pour cette petite. Il pouvait imaginer sa frustration, son envie de se débarrasser de ce bracelet. Mais fallait-il pour autant fuir ce bracelet alors que c’était le seul lien qu’elle avait avec son père? Au fond ils étaient tous les deux dans le même dilemme. Il le fit remarquer, en se surprenant lui-même de lui dire de telles choses.

"Je comprends ce que tu ressens. Moi non plus… En fait c’est ma mère qui me l’avait offerte mais elle est morte. Mais puisqu’elle est morte à cause de moi, je me vois mal la récupérer. Toi au moins, même s’il ne te connait pas, ton père est vivant. Tu devrais tenter ta chance je crois. A ta place, j’essayerai au moins. Toi tu n’auras aucun regret."

Ses excuses firent sourire Sven. C’est vrai que sur le moment il l’aurait sans doute étripé… Mais désormais sa rage était partie. Il ne lui en voulait plus vraiment. Elle l’avait sans doute fait pour prendre sa place auprès de son père. Ca se comprenait… Ce lien de famille, Sven l’avait connu il y avait bien longtemps même si depuis il s’était tout de même quasiment effacé. Certes, il y avait Mina mais nous ne parlions plus de lien de sang. Etrangement, Sven s’était dit depuis la mort de sa mère que la famille était sans doute quelque chose qui n’était pas faite pour lui bien qu’il aurait véritablement souhaité pouvoir prouver le contraire. Mais puisqu’il n’avait pas touché une fille de sa vie, du moins pas qu’il s’en souvienne, il ne risquait pas un jour d’avoir une famille de sang.

Le maire rassura donc la jeune fille en lui disant de manière neutre:

"Ce n’est pas grave. De toute façon je ne croyais pas un jour la récupérer."

Il ajouta ensuite:

"Et puis elle t’appartient autant qu’à moi alors tu avais le droit de mettre ton nom dessus. Tu es vraiment sûre de ne pas vouloir la récupérer? Parce que moi je pense pouvoir m’en passer, vraiment. Mais toi en me la laissant, tu laisseras le seul lien que tu avais avec ton père… Tu es sûre de vouloir ça?"

Sven tendit de nouveau la gourmette, insistant vraiment sur le fait qu’elle risquait de regretter d’abandonner maintenant cet objet. Afin de l’encourager dans sa quête de reconnaissance envers son père, qui devait exister plus ou moins dans l’esprit d’Alicia selon lui, il lui tint ces propos:

"Et puis, ton père a le droit de savoir que tu existes tu ne crois pas? En le laissant dans l’ignorance tu ne lui laisses même pas la chance d’être ton père."

Avait-elle tord ou raison dans ses démarches, cela, nul ne le savait, même pas elle. Elle doutait souvent, se demandant un instant si son père l’accepterait comme elle était, mais elle en doutait. Tous les autres s’étaient toujours moquer d’elle, de ses cheveux, de ses yeux, de son silence. Pourquoi dérogerait-il à la règle ? Non, au fond, elle savait qu’elle ne devait pas espérer inutilement. Cela faisait plus de mal que de bien. Ecoutant les paroles de son père, la fillette retint un air curieux. C’était bien la première fois qu’elle l’entendait parler de lui, et elle tenait à en apprendre plus. Sauf qu’elle ne voulait pas lui réclamer. C’était mal poli, et après tout, elle ne pouvait décemment pas lui poser une question si personnelle.

« Sauf que je n’ai rien pour prouver mes dires et qu’il me prendra pour une menteuse. »

Elle ne se leurrait pas. Après tout, personne ne la croirait, et pourtant, elle le savait. Elle savait qu’elle avait raison. Sauf qu’elle n’avait aucune preuve, pas la moindre trace qu’elle avait raison, sauf le bracelet, mais il avait pu lui tomber entre les mains de tant de manières différentes, que jamais il ne la croirait. Elle le présentait. Alors elle ne voyait pas l’intérêt de se compliquer la tâche à chercher comment lui dire, comment lui faire réaliser qu’elle ne mentait pas. Après tout, c’était inutile de lui prendre la tête avec ça.

Ecoutant les mots de son père, Alicia l’observait lui tendre à nouveau la gourmette. Devait-elle la prendre ? Ou la laisser ? Elle voulait la prendre, puisque c’était son seul lien avec son père, comme lui faisait remarquer ce dernier. Mais elle ne pensait pas que ce soit une bonne idée de la reprendre. Elle risquait de refaire la même erreur qu’avec son livre. Se laisser manger par l’objet et délaisser complètement la vie. Et ce risque, elle n’était plus prête à le prendre. Sa santé en avait déjà pâti, même si elle tenait à le masquer.

« J’ai déjà trop couru après des chimères. »

Se détournant complètement du bijou, la fillette retint inconsciemment son souffle, avant d’ouvrir une nouvelle fois la bouche :

« Mon père, c’est vous. »

Sans rester plus longtemps, la fillette s’éloigna rapidement, pour ne pas entendre, ni voir la réaction du dit-père.

Son père la prendrait pour une menteuse? Hé bien il n’y avait alors qu’un moyen efficace de prouver qu’elle n’en était pas une. Sven lui fit par de cette solution afin qu’elle le sache. Après tout ce n’était qu’une fillette, elle n’avait pas forcément en tête les moyens de prouver sa parenté avec l’homme en question.

"Tu pourrais alors lui proposer un test de paternité, c’est rien du tout comme test et il n’aura qu’à le faire pour clarifier la situation."

Le maire ajouta ensuite que son père pourrait le faire et ainsi tout le monde serait d’accord sur la réalité des choses. Bien sûr pour cela il fallait qu’Alicia accepte de faire le test elle aussi. Enfin ce n’était pas un immense effort et cela lui permettrait de ne pas paraitre pour une usurpatrice d’identité. Enfin, la suite des évènements lui appartenait désormais. C’était à elle de faire le choix d’aller voir ce fameux père ou non. Il comprenait que prendre ce genre de décision pour un enfant n’était pas forcément évident. Mais tout cela ne serait bientôt plus le problème du maire… Du moins c’est ce qu’il croyait.

Alicia refusa de reprendre la gourmette. Sven la mit donc dans sa poche en attendant puis s’en suivit une phrase bien surprenante. La fillette croyait que son père… C’était lui? Ola, ola… Sven venait de se mettre dans de beaux draps sans même sans rendre compte. Il avait encourageait la jeune fille pour lui dire et maintenant il allait devoir faire un test de paternité pour prouver qu’elle faisait erreur sur la personne car il semblait évident pour Sven qu’il n’avait pas de fille. Il n’avait jamais fait l’amour avec une femme ni donné son sperme à des organismes… Alors comment aurait-il eu une fille? Et dire qu’Alicia semblait y croire dur comme fer. Bon, rien ne servait de la brusquer ou de s’énerver. La seule chose qui sortit de sa bouche sur le moment fut:

"Eu…"

C’était loin d’être explicite. Bon, il rattrapa comme il put la fillette qui s’en allait déjà. Il supposait qu’elle avait fait preuve d’un grand courage pour lui dire cela, même si visiblement elle l’avait confondu avec quelqu’un d’autre. Mais ça, il n’allait pas le dire sinon elle allait sans doute se braquer et après elle irait peut-être crier sur tous les toits qu’il était un père indigne et ça lui ferait une sacrée mauvaise pub au niveau médiatique.

Sven choisit donc de poser la main sur l’épaule de la jeune fille et de lui dire tout simplement.

"Bien alors allons faire un test de paternité. Si tu veux bien."

Elle avait plutôt intérêt à accepter sinon Sven ne la reconnaitrait jamais, ça c’était certain. Enfin, dans tous les cas, il doutait devoir reconnaitre qui que ce soit car il était tout bonnement impossible qu’il soit le père biologique d’une fillette, même si elle avait les cheveux rouges… N’est-ce pas?

Ecoutant la réponse de son père, la fillette le regarda tout en prenant note de ce qu’il disait. Un test de paternité. Elle devait bien avouer qu’elle ignorait si c’était la meilleure solution à proposer. De un, parce qu’il ne la croirait jamais et de deux, qu’elle ignorait le fonctionnement et la fiabilité de cette méthode. Mais si Sven lui proposait cela, c’était que la méthode devait avoir un certain taux de fiabilité. Mais elle doutait d’avoir à faire la demande. Après tout, elle ne comptait pas lui dire la vérité.

Laissant la gourmette à son père, la fillette ne dit pas plus qu’une légère phrase, emplie de sous-entendu, mais que son père ne comprendrait surement pas en entière. Oh, certes, il comprendrait le côté chimérique qu’avait un père inconnu, mais il n’en saurait pas plus. Il ne comprendrait pas que les chimères enfantines qu’elle avait poursuivies étaient une famille complète, une famille aimante, qui l’accepterait telle qu’elle était, malgré ses yeux rouges, malgré ses cheveux rouges. Mais elle avait fini par laisser tomber ses rêves sans grand espoir de se réaliser, pour se centrer sur une vie réelle qu’elle avait trop souvent délaissé. Sa vie fragile qu’elle avait malmené durant de nombreuses années, surtout quand elle s’était mise à l’écart des autres.

Chassant ses pensées, la fillette finit par lâcher les mots qui la rongeaient depuis le début de la conversation. Se retenant de se baffer pour avoir ainsi gaffé, la fillette opta pour la seule solution possible, tandis que son père, éloquent, gobait les mouches sous la surprise. C’était sur qu’elle s’y était pas prise de la meilleure façon. Mais en même temps, cette conversation la dépassait, et la tournure changeait de secondes en secondes. Sa volonté de se taire s’était transformé en affrontement courageux de son père et en osant lui dire ce qu’elle comptait bien garder pour toujours dans son cœur. Mais voila, elle avait soufflé ces mots qui la hantait depuis longtemps.

Elle fuyait. Pour ne pas affronter son père, pour ne pas savoir, ne pas entendre, ne pas comprendre sa réaction de rejet, de refus. Parce que ce n’était pas du tout une réaction qu’elle supporterait. Non, elle voulait juste ne pas savoir. Le rejet des autres, elle s’y était habituée. Mais celui de son père, elle ne pourrait pas l’affronter. Pas plus qu’elle n’aurait pu affronter celui de sa mère, même si le fait qu’elle l’ait abandonné avait persuadé la fillette grandissante que sa mère la méprisait. Alors si le seul membre de sa famille qu’elle méconnaissait la méprisait, elle n’aurait pas pu le supporter.

Malgré toute attente, la voix hurlante et criante de son père ne retentit pas, ce fut une simple main sur son épaule qui se posa, avec une demande à laquelle elle aurait presque du s’attendre. Mais elle n’avait pas été très méthodique et consciencieuse sur la totalité de la conversation. Elle qui masquait d’ordinaire si bien ses sentiments ressemblaient à une fillette d’une banalité affligeante. Elle manquait à quasiment l’ensemble des habitudes qu’elle avait. Il fallait qu’elle se reprenne. Qu’importe que l’homme lui faisant face soit son père, elle devait se camoufler avant qu’il ne puisse la blesser comme l’ensemble des autres.

« Si vous voulez… » Le haussement d’épaules s’accorda avec ses paroles et son manque de réaction plus poussé. Après tout, il ne la croyait pas, donc elle ne voyait pas l’intérêt d’affirmer ou d’infirmer une thèse plutôt qu’une autre. Et puis cela changerait quoi qu’il sache ou non la vérité la concernant. C’était surement pour qu’il se rassure, qu’il soit certains qu’elle mentait. Après tout, elle devait forcément lui mentir et se tromper. Sauf qu’elle n’aurait jamais dit ces mots si elle n’était pas sur à cent pour cent qu’elle avait raison.

S’il voulait… Ben oui Sven le voulait et pas qu’un peu! Ce genre de malentendu était vraiment gênant. Le maire était assuré qu’Alicia devait aussi vivre mal cette situation. Alors il fallait remédier à tout cela. C’est donc vers le laboratoire le plus proche qu’ils se rendirent. Là-bas il connaissait personnellement la plupart des employés ce qui était pratique pour garder le secret. Il fallut donc faire les tests et, comme il s’agissait d’une personne très importante, ce test de paternité passa en priorité. Ca a quelques avantages d’être le maire de la ville mine de rien… Il fallut donc quelques heures d’attente, mais les résultats finirent par arriver. Inutile de dire que le moment d’attente fut très pénible car une tension semblait palpable. En demandant le test, Sven prouvait plus ou moins qu’il avait besoin d’une preuve aux dires de la fillette. Mais, en même temps, comment pourrait-il la croire? Toutes les fillettes pourraient prétendre être sa fille après tout. Sven était un bon parti, en haut de la société.

Enfin, il n’y avait pas besoin de se poser plus de questions, une femme appela Sven et la fillette pour avoir les résultats. Résultats qui allaient faire pâlir le maire en une fraction de seconde et remettre toute sa vie en cause.

-Le résultat est positif, vous êtes bien le père de la jeune demoiselle. Nos résultats sont totalement fiables, nous avons répétés plusieurs fois le test, il n’y a pas d’erreur possible.

Un building venait de s’abattre sur les épaules de Sven. Pendant un instant il soupçonna le complot… Mais ça ne pouvait être le cas. Une grande question passa alors dans son esprit: comment était-ce arrivé? L’expression de l’homme traduisait bien son incompréhension de la situation. Alors il avait fait l’amour à une femme et n’en avait même pas le souvenir… La fillette semblait avoir une petite dizaine d’années donc c’était dans le temps de ses études. La solution ne lui vint pas tout de suite à l’esprit. Il se repassait chaque soirée passée dans sa chambre, seul, les cours… Il arriva alors aux deux soirées… La première assez soft, il se souvenait bien que rien ne s’y était passé mais la seconde, il ne se souvenait de rien. Il avait soupçonné qu’on l’ait drogué cette fois là mais jamais, non jamais il ne s’était posé plus de questions que cela. Sven s’était contenté de se dire qu’il n’irait plus en soirée.

*Alors on m’aurait violé?! O__o*

Cette pensée fut assez violente. Comme les femmes pouvait être vicelardes… Vraiment… Il avait bien fait de rester célibataire. Mais bon, même en l’étant il était désormais officiellement père d’une enfant dont il ne connaissait rien. Comment pouvait-il réagir face à cette situation? Inspirer, expirer, inspirer, expirer douuuuucement… Fuir ne serait pas très responsable. Il fallait assumer d’avoir été la victime d’un viole. Après tout il était l’adulte, s’il fuyait ses responsabilités de quoi aurait-il l’air? D’un père indigne. Remarque il l’était déjà d’avoir laissé toutes ces années la fillette sans père mais, en même temps, il ignorait avoir une fille. Des questions se posaient: allait-il l’accueillir et si oui où? Une certitude s’imposait: il ne parlerait pas d’elle car elle se ferait forcément enlevée ou menacée par ceux qui n’étaient pas de son côté.

Avec toutes ses pensées, Alicia devait trouver le temps long. Mais Sven ne savait toujours pas quoi dire. Elle lui avait dit la vérité et le maire avait du mal à s’en remettre. Il faut dire qu’on n’apprend pas ce genre de choses tous les jours. Commençant à connaitre l’habitude fuyante de sa fille, Sven tourna son regard un peu perdu vers elle. Les mots n’arrivaient pas vraiment à sortir. Que lui dire? Bonjour ma fille? Ah, tu ne mentais pas? Qui est ta mère (que je l’étripe pour ce qu’elle m’a fait bien que je ne te renie pas)?

Aucune de ces questions n’allaient. Il pensa donc à ce qu’il allait faire d’Alicia… Il n’avait certes pas énormément de temps à lui consacrer étant donné son emploi du temps chargé mais il pouvait bien s’accorder du temps s’il le voulait. Au fond son emploi du temps dépendait uniquement de lui. Sven se voyait mal l’emmener avec lui en mission mais se voyait aussi mal la laisser à la maison. Il verrait cela plus tard, sans doute. Dans tous les cas il lui apprendrait à se défendre. C’est en pensant à tout cela qu’il finit par simplement lui demander:

"On peut aller parler de tout cela à la maison?"

Bien sûr il la guiderait jusque là-bas… C’est juste qu’il n’avait pas envie d’étaler sa vie dans ce laboratoire.

La fillette ne disait pas le moindre mot. Une par d’elle espérait que son père se montrerait digne de ce rôle, mais l’autre n’y croyait guère. Peur de la désillusion sans nul doute. Après tout, qu’importe la façade qu’on se compose, elle ne reste qu’une façade, cachant juste les sentiments enfouis qu’on pouvait ressentir. Elle n’avait pas dit le moindre mot, se laissant mener par Sven pour ce fameux test. Mais elle n’avait aucune certitude sur l’avenir, et le faire pour rien ne la tentait pas. Elle aurait mieux fait de se taire. La prochaine fois, elle veillerait à tourner la langue sept fois dans sa bouche avant de dire le moindre mot. Ce serait la réaction la plus sage.

Sagement assise, la fillette n’avait pas bronché devant le temps d’attente, se laissant partir dans des pensées purement personnelles, à savoir ce qu’elle ferait après ce charmant et barbant interlude. Il fallait qu’elle songe à trouver au moins un lieu pour dormir, autre que les bancs des parcs, car elle se doutait qu’à la longue ce ne serait pas agréable de se trouver à dormir à ces endroits, sans parler du risque qu’elle prenait à finir en hypothermie avec les températures. En même temps, ce ne serait pas évident de trouver cela. Il fallait aussi qu’elle songe à l’école, et son manque d’attrait pour cela risquait de lui attirer des ennuis. Et sa nature silencieuse lui jouerait plus d’un tour. Mais elle ne pouvait pas prendre le risque de ne pas pouvoir vivre dans l’avenir. Si elle voulait pouvoir se débrouiller seule et montrer à sa famille qu’elle n’avait pas besoin d’eux, qu’elle pouvait se passer totalement d’eux, comme ils s’étaient passés d’elle. Et ca serait une belle revanche envers les autres enfants qui s’étaient tant moqué d’elle durant son enfance. Oh oui, même si elle ne le montrait pas, Nin’jin était avide de faire ses preuves.

-Le résultat est positif, vous êtes bien le père de la jeune demoiselle. Nos résultats sont totalement fiables, nous avons répétés plusieurs fois le test, il n’y a pas d’erreur possible.

Alicia ne fit pas le moindre geste à l’annonce des résultats. C’était à peine si elle avait entendu ce qui se disait en fait. Non, elle s’était centrée sur son avenir et avait délaissé de près comme de loin la présence de son père à ses côtés. Si l’homme l’attirait, elle trouverait sans nul doute plus attirant ses pensées que l’homme. Et la tension silencieuse qu’il mettait ne l’attirait pas plus. Elle était presque sur qu’il s’était dit que la fillette mentait. Elle se doutait qu’il penserait ça et même si cela la blessait, elle n’était pas surprise. Ne cherchant pas à dire quoique ce soit, Nin’jin ne bougea pas le moindre du monde, se recentrant sur son avenir et laissant à son père le temps de digérer. En même temps, il ne pouvait pas dire qu’il ne savait pas.

Bref, il allait falloir qu’elle songe à trouver une école pouvant l’accepter, et ce ne serait pas aussi simple que n’importe qui voudrait le penser. Et puis si elle restait par ici, elle serait trop vite relié à son père, et cela, elle ne le voulait pas. Après tout, il n’y avait aucune raison pour qu’elle soit lié à son père autrement que par le sang. Il n’allait pas la prendre sous son aile, alors autant éviter d’avoir cet amalgame. Mais ou pourrait-elle bien aller ? Elle avait pensé à une grande ville, puisque les gens posaient moins de questions dans ce cas-là et qu’il serait peu choquant qu’elle soit autonome. Une petite ville serait plus problématique… Elle n’avait que l’embarras du choix.

Se levant sans le moindre regard pour son père, Alicia allait s’éloigner sans dire un mot de plus, lorsque la voix de son père retentit. Continuer cette conversation à la maison ? Retenant une envie de regarder le sol en soupirant, Nin’jin répondit d’un ton égal :

« Soit. »

Elle n’avait l’air ni pour, ni contre. Son ton trop neutre pour percevoir le fait qu’elle était totalement désintéressée par la moindre conversation avec l’homme. Après tout, qu’y avait-il à dire ? Elle ne comptait pas dépendre de l’homme, hors de question. Mais elle n’avait pas envie de le rembarrer, puisqu’elle n’avait pas encore déterminé avec exactitude où elle irait par la suite.

Bon, bien que l’enthousiasme ne semblait pas de mise, Sven ouvrit la voie vers sa demeure. Là-bas ils pourraient y discuter tranquillement… Enfin c’était sans oublier le passage devant sa demeure. Il connaissait par cœur le chemin à emprunter qui était assez complexe et il faut savoir que le moindre faut pas pouvait facilement couter une jambe ou un bras voir les deux ou plus encore. C’est pourquoi Sven décida d’opter pour une solution qui n’allait peut-être pas plaire à la fillette mais qui allait lui simplifier les choses et garantir à sa fille une sécurité sans faille. Il la prévint rapidement tout en s’exécutant en même temps…

"Je vais devoir te porter."

Aussitôt dit, aussitôt fait. Désormais qu’Alicia était dans ses bras il n’avait plus qu’à suivre le chemin, en la tenant suffisamment pour qu’elle ne puisse modifier ses mouvements jusqu’à la demeure. Une fois arrivé à la porte, il fallut tout de même bien cinq bonnes minutes car le jardin précédent l’entrée était assez vaste, Sven put poser sur le seuil sa fille avant d’ouvrir la porte de manière assez complexe. Il invita alors Alicia à rentrer et ferma lorsqu’ils furent tous deux dedans. Le maire lâcha alors un mot sur ce qui avait du un peu la laisser perplexe.

"La maison est extrêmement protégée, j’ai pas mal d’ennemis alors je dois me protéger en conséquence."

Sven savait qu’il aurait mieux fallu continuer sur le sujet qui était vraiment primordial… Celui de sa paternité. Il aurait fallu qu’il dialogue avec sa fille sur ses sentiments envers elle, ce qu’il comptait faire d’elle désormais mais pour le moment tout cela était légèrement au dessus de ses forces. Sven se contenterait donc de commencer plutôt simplement, sur un sujet qu’il maitrisait totalement et qui ne demandait pas de se creuser la tête ni de se faire mal psychologiquement : la présentation de chaque pièce de sa grande demeure. Remettant ses lunettes, il songea que c’était la première fois qu’il faisait visiter sa propriété. Il faut dire que d’habitude il n’aimait pas amener qui que ce soit chez lui. Il aimait la tranquillité, la solitude mais là, maintenant, face aux évènements Sven se retrouvait contraint de faire des concessions. C’était inévitable.

"Alors ici tu as le salon…"

Toute la description s’en suivit… Passant par les objets qui composaient la pièce, l’utilité de certains, la manière dont on pouvait ou non s’en servir. Le piano surtout, Sven précisa bien qu’il fallait y faire très attention afin de ne pas le rayer, de ne pas casser des cordes etc. Les autres pièces suivirent: la cuisine, la salle de sport, la piscine, la grande bibliothèque, le grand jardin (recouvert d’un socle translucide résistant à toute épreuve), les salles de bains, la cave, la salle informatique, les chambres d’invités, les bureaux, le grenier… Il y avait de quoi faire. Il montra même la position de sa chambre. Après tout cela, des paroles plus profondes et plus sérieuses commençaient à se faire désirer.

C’est pourquoi il l’invita à retourner dans le salon. Retenant son mal être, Sven prit son courage et débuta une conversation très sérieuse.

"Alicia, j’aimerai savoir si quelqu’un t’a actuellement à sa charge ou pas. Car si ce n’est pas le cas il est évident que je ne te laisserai pas à la rue, tu peux vivre ici si tu veux."

Il ne précisa pas qu’il faudrait qu’elle apprenne le chemin par cœur pour rentrer dans le domicile, mais ça, ce n’était pas si important n’est-ce pas?

C’était un bon début… Et, à vrai dire, il ne savait pas comment continuer celle-ci pour le moment. Ben, il verrait déjà ses réactions et après il pourrait bien improviser.

Sans prononcer le moindre mot, Nin’jin’ avait suivi son père, tout en se focalisant sur son avenir. Elle avait si souvent mis cela de côté qu’elle ne pouvait plus, maintenant, continuer ainsi. Il fallait qu’elle songe à son avenir, et pour vivre, il fallait un travail, sauf qu’elle n’avait pas encore l’âge pour le faire. Et demander de l’aide à son père ne la tentait pas du tout. Alors elle écumait les solutions annexes, sans pour autant en trouver de très plaisantes. Retenant un soupir de lassitude devant la complexité de la tâche, la fillette entreprit de trouver d’autres idées, chassant les échecs qui lui venaient en tête.

"Je vais devoir te porter."

Sans avoir le temps de faire le moindre geste ou de dire le moindre mot, la jeune adolescente se retrouva prise dans les bras paternels. Ne pipant pas le moindre mot –elle se doutait que Sven n’aurait pas cédé si elle demandait de marcher -, Alicia regarda en silence le parc qui s’étalait sous ses yeux. Il était grand, vaste et semblait pourtant beau. Mais visiblement ce n’était qu’une façade assez dangereuse, sinon elle aurait pu marcher.
Sven, quant à lui, pouvait percevoir la légèreté de sa fille. Elle semblait bien plus légère que les autres de son âge, mais cela n’était pas totalement faux. Mais encore fallait-il qu’il puisse avoir une comparaison pour percevoir son manque de poids. Et ce ne serait pas la jeune fille qui lui ferait remarquer. Elle n’avait aucune envie qu’il se sente investi d’une quelconque mission de vérification sur ce qu’elle faisait et tout ce qu’un père normal ferait sous prétexte que c’était son père. Ce serait que demander le Pérou à la gamine qui avait l’habitude à la solitude et au silence.

Ecoutant la remarque de son père, la fillette ne prit pas la peine d’ouvrir la bouche, acquiesçant juste pour prouver qu’elle avait écouté. Elle s’en était rapidement douté, et savait qu’elle ne pourrait quitter le domicile sans l’aide de son père, même si elle avait tenté d’être attentive sur le chemin qu’il avait pris. Mais elle avait perdu le compte et avait fini par délaissé le chemin au profit du paysage.

"Alors ici tu as le salon…"

Retenant son envie de lever les yeux au plafond, la jeune fille ne dit pas le moindre mot, écoutant et observant les lieux que son père lui montrait. Comme si elle allait rester ici… Mais franchement, en avait-elle envie ? Un peu, beaucoup même. Pour elle, cela voulait dire que son père l’acceptait telle qu’elle était et c’était une chose qui lui faisait très plaisir. Mais elle se tâcha bien de le montrer, n’étant pas sur qu’il s’agisse pas d’un moyen détourné pour mieux la blesser… A moins qu’il n’imagine ce qu’elle ferait s’il ne le faisait pas… Préférant ne pas y penser, Alicia se laissa guider, tout en notant la présence du piano et celle de la bibliothèque. Elle savait que le premier risquait de lui poser quelques soucis, puisqu’elle doutait que son père accepte la séance de piano à minuit…

* Pourquoi je pense ça, moi ?*

Se retenant, la fillette eut envie de se mettre deux baffes avant de se reprendre. Elle pensait des choses à l’encontre totale de ses pensées quelques instants – et même heures – plus tôt. Et ce constat lui déplaisait. Parce que cela signifiait que ses idées s’en allaient, pour laisser place à ses envies. Que la petite demoiselle d’un naturel si calme et si insensible se laissait dicter par ses sentiments et ce constat la perturbait. Elle ne réfléchissait plus tranquillement et sagement à ses actes, mais les faisait et se posait des questions après. Elle n’avait même pas eu l’idée que son père était trop bavard, pourtant, cela aurait du être le cas, même si elle avait écouté un bout des explications sans prêter une attention complète à tout.
L’invitation de retourner dans le salon la fit redescendre sur terre. N’osant le montrer, Nin’jin’ était tout aussi angoissée que son père. La conversation sérieuse ne l’attirait pas, parce qu’elle craignait devoir encore ses sentiments passé avant la raison et cela l’agaçait profondément. Mais sans dire un mot, la fillette enchaîna le pas sur son père. Réfléchissant à tout va, la fillette entreprit de se calmer et de s’assurer de tourner bien la langue dans sa bouche avant de parler. Pour éviter les problèmes plus qu’elle n’en avait déjà.

Ecoutant la demande de son père, Alicia eut envie de fuir. Tout allait vite, trop vite à son goût. Et là, elle savait qu’en fonction de sa réponse, toutes ses pensées qu’elle avait pu avoir sur sa vie en solitaire s’en allait à la trappe. Et elle aurait un « père » constamment sur le dos, et pour la gamine qu’elle était, cela n’avait rien, mais strictement rien d’intéressant. Elle voulait dire oui, parce que devoir vivre en famille ne l’intéressait pas, ou plus exactement, cela l’angoissait totalement. Mais en même temps, ce serait une belle revanche sur tous ceux qui s’était moqué d’elle. Et puis… Elle avait envie de voir si c’était si bien que ça, les parents, au final.

« Personne. »

Sans ajouter un mot de plus, la fillette laissa son regard se poser sur le sol.

Le moins que l’on puisse dire était que la fille de Sven était sans doute aussi bavarde que lui avec autrui… Il n’y avait nul doute qu’elle tenait ça de lui. Enfin il n’allait pas lui en tenir rigueur. Lui-même n’aurait rien dit à sa place, que pouvait-elle bien dire de toute façon? Il n’y avait qu’à observer et retenir. Bon, repassons donc aux choses plus sérieuses. Vous savez, à ce moment fatidique où le silence se faisait de plus en plus pesant. C’était le moment que Sven détestait le plus, sans doute autant que sa fille car apparemment elle était toujours aussi peu avide d’exprimer ses pensées. Au moins elle savait répondre simplement et précisément. Alicia vivait donc sans que personne ne s’occupe d’elle? Pourtant elle n’était pas une souillon, elle ne semblait pas avoir passé des années dans la rue. Cet indice mena le nouveau père à une conclusion: elle devait être dans un interna jusqu’il y a peu. Un interna ou un refuge d’ailleurs. Enfin il n’imaginait pas la fillette dehors tout le temps en tout cas.

Maintenant que les choses étaient très claires, il allait devoir tenir parole. Après tout, comme il l’avait dit, il ne la laisserait pas à la rue. Et même si la demoiselle était dans un refuge, ce n’était pas vraiment une vie étant donné que personne ne s’occupait d’elle. En ayant cette pensée d’autres en découlèrent rapidement. Avait-elle eu une éducation? Allait-il devoir tout lui apprendre comme à une IAI? Allait-elle se montrer rebelle comme beaucoup d’adolescent qui se retrouver tardivement dans une famille? Bien que toutes ces interrogations fussent négatives, il fallait se résoudre à une grande vérité: même s’il avait du mal à se le mettre dans le crâne, il était désormais père d’Alicia et devrait donc faire avec son caractère et tout ce qui s’en suivait. S’en suivit donc l’annonce logique sur un ton neutre et légèrement accueillant, Sven avait du mal à prendre un air vraiment chaleureux.

"Très bien alors tu vivras ici avec moi, si tu le veux bien sûr, je ne voudrai pas te forcer. Ceci dit, je crois que tu pourrais vivre dans de bonnes conditions ici."

Que dire de plus? Etait-il sensé être bien plus accueillant que cela? Devait-il lui dire les énormes clichés qui passaient à la télé? Vous savez, le genre de phrase comme "tu auras toujours ta place ici" ou encore "Quoi qu’il arrive tu resteras ma fille et je serai là pour toi"… Non, ça ne lui ressemblait vraiment pas… Non, pas du tout… Alors à la place il y eut un silence pesant. Ce n’était pas facile de faire sortir une phrase sincère et plutôt amicale au maire mine de rien. Surtout qu’en plus, il ne la connaissait vraiment pas cette petite. Enfin, il sut improviser… Après de longues minutes d’attente. Il faudrait bien un jour qu’il se confronte à sa fille et l’invite à ce que celle-ci lui fasse face également. L’homme à la chevelure flamboyante sentait que ça allait être difficile, très difficile mais il fallait bien y passer un jour.

"Peut-être veux-tu en savoir un peu plus sur moi? Si tu as des questions, je veux bien y répondre."

Olala, intérieurement il redoutait des questions qui pouvaient bien lui être posées. En fait, Sven avait plus l’habitude de poser les questions et c’était plutôt plaisant… Finalement il commençait à comprendre pourquoi certains n’aimaient pas spécialement avoir un interrogatoire de dix minutes. Bon, avec un peu de chance la petite ne serait pas très inspirée. Enfin si elle ne le questionnait pas, l’ambiance risquait d’être vraiment terriblement désagréable. Pour une première rencontre, ce n’était pas vraiment le top. L’homme essayait de se réjouir de la nouvelle mais en réalité il était tout simplement perplexe car il n’avait jamais élevé un enfant. Mina s’était élevée toute seule… Bon, avec un peu de chance il pourrait lui proposer des choses que la lapine aimait et elle en serait aussi ravie qu’elle? Ca ne coûtait rien d’essayer après tout. Aussi lui demanda-t-il, au cas où:

"Tu veux quelque chose à boire ou à manger?"

Il savait que Mina aurait sauté de joie rien qu’à l’idée qu’il lui pose cette question… Maintenant la mage rouge était une lapine surexcitée et totalement décalée alors qu’Alicia était très posée et plutôt introvertie… Y avait-il une chance qu’elle réagisse bien à cette question?

*Les filles sont compliquées…*

Aussi silencieuse que son père, la fillette ne disait rien, ne faisait pas grand chose pour retirer la tension présente. Non, elle se fustigiait mentalement. Pourquoi lui avoir dit ? Parce que cela comptait pour elle ? parce qu'avoir elle aussi son "papa" qui l'aime, qui la reconnaisse comme sa fille, c'était ce qu'elle attendait depuis longtemps. Qu'elle pouvait elle aussi tirer la langue aux autres enfants en se moquant cruellement d'eux. Maintenant, elle n'était plus seule... Et ce constat lui faisait plaisir. Oh bien sur, elle ne l'avouerait jamais à son père, même sous la torture. Parce que c'était ses pensées et qu'elle n'avait encore jamais confié la moindre de ses pensées à quelqu'un d'autre qu'elle même. Même pas à un doudou, ou alors elle avait oublié l'avoir fait.

Silencieusement installée, la fillette ne pipait pas. Sagement installé, un peu comme une fillette idéale. Elle avait un peu -beaucoup plutôt- peur. De son père, de la situation. Encore quelques heures avant, elle ne savait pas ce qu'elle ferait, si elle lui dirait, et maintenant... Maintenant, elle avait un père, qui semblait bien motivé à la voir vivre avec lui. Laissant volontairement son regard se poser sur le sol, l'enfant ne fit pas le moindre signe d'acceptation ou de refus devant la demande paternelle. Elle avait peur. Elle n'avait aucune envie qu'il agisse ainsi parce qu'il avait pitié d'elle. Pas plus qu'il le fasse parce qu'il avait des remords. Elle voulait qu'il agisse ainsi, parce qu'il en avait envie. Mais avait-il seulement envie d'avoir une fille ?

Fermant les yeux devant ce constat, l'enfant ne bougea pas. Elle s'était, égoïstement centré sur elle, mais les envies et les besoins de son père, elle les avait cruellement ignoré. Elle avait agi si cruellement. Et si lui n'avait pas envie d'avoir un enfant dans les jambes ? Et si sa vie en solitaire lui suffisait ? Se mordillant l'intérieur de la lèvre nerveusement, la fillette prit son courage à deux mains :

"Et vous ? Vous en avez vraiment envie ?"

Sven pouvait-il savoir combien la réponse importait pour la jeune demoiselle ? Peut-être, s'il prêtait une attention particulière au ton de la demoiselle. Certes, il y avait un peu de froideur, mais pas complètement. Une faible part d'émotion s'y était glissé, une minime part d'angoisse, d'espoir et d'inquiétude. Angoisse d'avoir une réponse négative, espoir d'entendre un oui, et crainte d'avoir pour unique réponse un silence... Elle ignorait ce qui la blesserait le plus entre le refus et l'absence de réponse. Mais il ne fallait pas qu'elle place trop haut ses espoirs. Elle serait forcément déçue tôt ou tard.

Profitant du répit, la fillette entreprit de reprendre son masque de froideur. Elle ne tenait pas à craquer devant son père. Son masque était en place depuis longtemps, il devait continuer à tenir, même devant son père... Surtout devant lui... Elle avait trop peur que tout déraille, s'en aille et qu'elle finisse seule encore une fois. Au fond, elle pouvait paraître bien avec la solitude, mais ce n'était pas toujours si bien d'être seule. Personne pour l'embrasser, pour lui dire qu'on l'aime... Ce genre de besoin était vital pour l'enfant, mais ce qui primait avait tout était le besoin d'être reconnue par son père et d'être accepté. Définitivement, sans doute, sans possibilité de faire marche arrière. Mais jamais elle n'oserait le dire. Parce qu'elle craignait trop qu'on puisse jouer avec ses sentiments.

Ecoutant la question de son père, la fillette hésitait. Elle avait bien des questions, mais... Pouvait-elle les poser... Elle avait bien envie de savoir, sinon elle ne se serait pas poser la question, mais elle hésitait quand au besoin vital d'avoir la réponse. Bon, certaine qui lui passait en tête, mais s'il habitait ici -et elle n'en doutait pas-, il lui avait apporté les réponses essentiels. A savoir qu'il n'avait pas de famille. Quel serait la surprise -pas forcément agréable quand elle se rendrait compte de l'existence d'un parasite - au goût de l'enfant- nommée Mina. A coup sur, elle ne serait pas joyeuse, mais pour l'instant, elle ignorait tout de l'existence d'une sœur, se pensant seul enfant. Ce qui ne la dérangeait pas plus que ça.

"Je n'ai pas de questions... pour l'instant..."

Retenant son envie de jouer avec ses mains, l'enfant n'avait aucune, mais alors aucune envie de subir un interrogatoire de la part de son père. Elle ne se sentait pas prête. En fait, elle avait suffisamment parlé pour les mille ans à venir. Bon, certes, elle parlait avec son père, mais elle parlait quand même bien plus que durant ces dernières années. Ce ne fut qu'un doux murmure qui s'éleva :

"Et vous ?"

Elle ne tenait vraiment pas à ce qu'il lui en pose, mais elle se doutait qu'il en avait un grand nombre. Cependant, elle ne voulait pas y répondre. Pas tout de suite, pas aussi rapidement. Mais après tout, avait-elle le choix ? Se retenant de lâcher un soupir de lassitude, la fillette écouta la remarque de son père. Elle n'avait pas particulièrement faim ni soif, mais vu son empressement à être interrogée, elle n'allait pas refusé un instant de répit.

"Un petit peu..."

Sven ne s’attendait pas vraiment à ce que sa fille veuille savoir ses sentiments par rapport à la situation. Que devait-il répondre à cela? Est-ce qu’un profond élan de sincérité serait vraiment bénéfique à sa fille? Il savait bien que souvent on qualifiait son discours de trop direct et de strict mais cela faisait aussi partie de ses qualités. Mais est-ce que sa fille apprécierait vraiment cette qualité? Rien n’en était moins sûr. Elle ne semblait pas vraiment exposer ses sentiments aussi s’il venait à la blesser sans doute ne le percevrait-il même pas. Toute cette histoire était un peu compliquée. La réponse qu’il aurait pu amener aurait été sans doute mal perçue: cette situation est bien complexe, me voilà père soudainement, je ne me suis jamais vraiment occupée comme il le faut de qui que ce soit et je suis en plus en conflit avec des personnalités ces temps-ci… Cependant je ne suis pas un père indigne et si j’ai une fille je ne l’abandonnerai pas au coin de la rue, je ferais tout pour elle, pour qu’un jour elle soit une femme digne de ce nom et épanouie si possible. Tout ce discours était trop long, amené sans doute trop de questions. Mieux valait répondre alors à sa question sans commencer à broder autour, c’est ce que se dit Sven et c’est ce qu’il fit.

"Bien sûr sinon je ne te le proposerai pas."

Ce n’était pas un mensonge, après tout elle avait déjà des preuves d’ouvertures de sa part. Elle était déjà chez lui, ce qui n’était arrivé à personne avant elle. Cette maison sentait bien la vie solitaire de Sven et amener une petite fille ici était réellement une révolution car cela impliquait des risques comme celui de casser des objets, abîmer des choses, qu’elle fasse des bêtises… Que cette maison vive comme toutes les autres au final. Et dire qu’il avait pris ce risque, c’était dur d’être père mine de rien. L’autre engagement était d’en plus faire les choses bien pour cette petite malgré tous les problèmes qui trainaient dans la vie du maire… Il faudrait qu’elle ne souffre pas trop sinon autant la renvoyer dans un pensionnat.

Malheureusement entre la théorie et la pratique il y avait un fossé. Il ne restait plus qu’à expérimenter tout cela… Et s’il ne l’aurait avoué même sous la torture, il avait un peu peur de tout cela. Alicia serait obligée de prendre une place dans sa vie et ça, ça n’était pas arrivé depuis le décès de sa mère. Certes, il avait élevé Mina mais n’avait jamais vraiment procédé à une véritable éducation, ne l’avait pas bordé quand elle allait au lit ou ce genre de chose. C’était resté sur une limite qu’il avait construite et avec sa fille cette limite serait forcément, un jour ou l’autre, franchie… Il faudrait alors s’y préparer.

Malgré le peu de discussions qu’ils avaient, tous deux semblaient bien enfoncés dans leurs pensées, ils se répondaient tout de même un minimum. Et c’est avec stupéfaction que Sven entendit qu’Alicia n’avait pas de questions pour l’instant… Elle devait forcément en avoir mais peut-être n’était-elle pas suffisamment à l’aise pour les poser. Après tout il était normal de rester un moment sur la défensive… Mais tout de même, elle ne s’intéressait pas au mode de vie qu’il pouvait avoir, à ses activités, à son taux de présence… Bon, alors il le lui dirait en temps et en heures. C’était juste dommage qu’ils doivent tout apporter sur un plateau, la communication à un seul sens était assez pénible quand on souhaitait partager les charges.

Lorsqu’elle demanda s’il avait des questions, il répondit simplement:

"Oui mais je ne tiens pas à t’embêter avec mes questions tout de suite."

Il ne voulait pas, déjà qu’elle semblait être fermée, qu’elle se sente agressée. Chaque chose en son temps. Bon, repassons à la dernière question qu’il lui avait posée. Il ne reconnut pas du tout l’enthousiasme qu’aurait eu Mina, Alicia fut bien plus neutre… Oui, il avait vraiment l’impression d’être très impressionnant ou alors que la fillette n’aimait pas spécialement discuter. Pourtant il le faudrait bien un jour ou l’autre. Puisqu’elle avait un petit peu faim tout de même, il l’invita à le suivre dans la cuisine et lui proposa ce qu’il y avait:

"Alors il y a des gâteaux au chocolat, des cookies, du flan… Des yaourts, des fruits quelques makis. Sinon je peux faire des crêpes."

Histoire de l’amener à parler un peu il lui demanda:

"Quelque chose te ferait plaisir en particulier? Même s’il n’y a pas là on peut toujours sortir pour en acheter."

Que d’efforts fait par Sven, il doutait que la fillette s’en rende compte. Remarque, lui-même ne percevait pas les efforts qu’elle faisait alors…

La question avait fusé, plus pour s'assurer qu'elle n'avait pas a y répondre qu'autre chose. Aussi pour se rassurer. Pour savoir ce qu'elle allait réellement faire. Car elle ne voulait pas être un poids pour son père. Et si c'était le cas, il valait mieux qu'elle le sache tout de suite, pour prendre la décision qui lui paraissait être la meilleure. Partir ou rester ! Oh, elle voulait rester. Son désir d'enfant la poussait à vouloir rester, après tout, c'était son père, l'homme qu'elle attendait depuis si longtemps. Mais s'il ne voulait pas d'elle. Elle ne pourrait pas l'y obliger. Non, elle repartirait, sans but. Même si elle restait, elle n'aurait pas de but réel. Qu'allait-elle faire de sa vie ?

Laissant son regard se poser sur le sol, la fillette ne bougea pas. Elle avait agi si sottement, si niaisement et été si irréfléchie. Elle se retrouvait dans une situation qui ne faisait que la mettre mal a l'aise. Face à un homme qui n'avait de père que le statut, mais dont au final, elle ignorait tout.

*Stupide Nin'jin' ! Réfléchit donc un peu !*

Observant le sol qu'elle fixait depuis déjà quelques instants, la fillette retint un soupir de lassitude. Elle se sentait si stupide, si bête, si irréfléchie, que ce constat la dérangeait. Elle qui avait toujours semblé si loin de la réalité ne faisait que bêtise sur bêtise. Manque de discernement complet. Elle commençait à se demander si la présence de son père n'avait pas fait fondre des neurones dans son cerveau. Il fallait qu'elle se reprenne. Elle commençait à virer trop sentimentaliste à son goût.

Ecoutant la réponse de son père, la fillette ne put empêcher son coeur de se gonfler de plaisir. Il l'acceptait dans sa vie, volontairement. Ce si simple constat faisait énormément plaisir à Alicia. Il l'acceptait dans sa vie, alors qu'elle débarquait ainsi, sans prévenir, sans le préparer. Alors que certains n'auraient pas eu le moindre remord à la laisser seul, à cause de son apparence, à cause de son arrivée impromptue. Sans se préoccupé des conséquences. N'y avait t-il réellement pas pensé ? Peut-être n'avait-il songé qu'à cela, qu'aux risques qu'il y aurait s'il la délaissait. Peut-être qu'au fond, il ne la gardait que pour s'éviter des ennuis.

Fermant les yeux pour éviter de laisser transparaitre ses doutes, la jeune Lovick se retint de soupirer de lassitude. La vie était si complexe, si dure. Pourquoi en venait-elle presque à regretter l'orphelinat, pourquoi avait-elle l'impression que malgré cette sensation de solitude, elle y aurait été mieux, que les questions lui paraissait moins mauvaises, moins dangereuses, moins blessantes ? Petite poupée de porcelaine, la fillette ne bougeait pas, restant sagement immobile, cachant son propre malaise. Elle ne voulait pas avouer ses doutes. Après tout, elle ne pouvait pas savoir comment réagirait son père à ses paroles.

Se contentant de signaler à son père qu'elle n'avait aucune question pour le moment, la jeune enfant ne souhaitait pas se montrer trop curieuse. En fait, elle n'avait pas réellement envie de savoir comment se déroulerait sa vie ici... Il fallait dire qu'elle n'avait pas pensé continuer sa vie ici. Pourquoi avait-elle donc avoué son secret à son père ? Stupide Nin'jin' !

Si cela choquait Sven, il était bien mal parti. Encore fallait-il qu'il se rende compte que l'enfant avait des habitudes aussi étranges qu'inhabituelles. Mais ce ne serait pas la petite demoiselle qui le lui dirait. Après tout, elle ne tenait pas à ne pas pouvoir faire le moindre geste pour l'unique raison qu'elle mangeait à peine. Fallait-il parler de ses habitudes de jouer du piano à une heure nocturne ? Non, décidément, il faudrait qu'elle évite cela à tout pris, sans quoi son père risquait de la couver bien trop au goût de l'enfant.

Ecoutant la voix grave de son père reprendre la parole, la fillette l'écouta faire la liste de ce qu'elle pouvait manger. S'il savait... S'il savait qu'elle ne mangerait quasiment rien... Voir même qu'elle mangerait à peine quelques miettes, ce qui calerait son estomac pour de longues heures.

« Juste des makis... Ca suffira. »

Le pauvre Sven... Il faisait des efforts sur un domaine où la fillette était bien insensible... Qu'il lui parle de livres, elle serait bien plus attirée. Mais la nourriture n'était définitivement pas son domaine de prédilection. Ce serait plutôt sa hantise en fait. Cependant, il nne fallait pas qu'elle l'avoue à son père.

Des makis… Au moins ce serait vite fait puisqu’il en restait de côté, des récents en plus. Sven espérait que sa fille mangerait suffisamment, après une telle journée il était tout de même conseillé de bien manger. Pour sa part il avait vraiment faim comme à chaque fin de journée. Il prit donc la peine de sortir deux planches de bois et des baguettes ainsi que les makis. Il en mit une grande quantité par personne histoire qu’ils puissent vraiment être rassasiés à la fin du repas. Ceci dit il pensait bien se prendre un dessert ensuite mais chaque chose en son temps. Sven invita sa fille à le suivre dans la salle à manger afin de passer à table. Il n’avait pas allumé la télé, à cette heure-ci ça devait être les infos et franchement il n’avait pas envie d’entendre leurs ragots ce soir. Il avait disposé les planches en bois l’une en face de l’autre. C’est tout de même mieux de manger l’un en face de l’autre. Il attendit qu’elle prenne place pour s’installer et déclara simplement:

"Itadakimasu*!"

Il entama alors les makis qui étaient réussis, heureusement… Le maire se serait senti mal de nourrir sa fille avec des aliments de mauvaise qualité. Mais, juste au cas où et parce que le silence avait tendance à régner entre eux deux il lui demanda:

"Est-ce que les makis te plaisent?"

Ce n’était pas évident de lancer une discussion lorsque l’on connait si peu une personne qui devrait, au contraire, être un livre ouvert pour soi. Le bruit du pendulier de l’horloge semblait être bien plus bavard que ces deux là réunis. Franchement ça ne pourrait pas rester comme ça durant bien longtemps… Une famille c’était tout de même sensé communiqué. Sven essayait de se remémorer les discussions qu’il avait avec sa mère lorsqu’elle était encore en vie… Bon, ils parlaient étude mais il n’allait pas parler de ça, si? Quoiqu’il faille bien l’envoyer à l’école, si elle le désirait. Peut-être préférerait-elle être à l’école que dans les couloirs du coin des secrets. Après tout c’était son univers et pas forcément le sien. Bon, ça faisait un sujet à aborder bien que le nouveau père eut préféré aborder un sujet sans importance, juste pour détendre l’atmosphère… De toute façon il faudrait bien un jour aborder ce sujet. Sven termina son maki avant de parler, cela semble évident.

"Aimes-tu l’école Alicia? Ce n’est pas une question piège mais bien une vraie question. Parce qu’au pire tu pourrais bien avoir des cours particuliers… D’ailleurs si tu veux apprendre un art quelconque tu peux m’en parler sans problème."

Il ne comptait pas directement parler de son lieu de travail… Il fallait déjà voir son ressenti par rapport à tout cela et, ensuite, il aviserait. Le but n’était pas non plus de lui claquer les vérités les unes après les autres sans faire preuve de délicatesse. S’il lui disait tout d’une traite il craignait fort qu’elle s’en aille en courant aussi vite qu’elle n’était apparue dans sa vie… De la diplomatie…

Sven se demandait quand il pourrait aborder le sujet si délicat de Mina, son autre fille adoptive… Si la petite apprenait l’existence d’une sœur elle risquait de mal le vivre mais, en même temps, mieux valait qu’elle l’apprenne avant de le voir. Enfin il voyait mal comment aborder ça, là, à table. Elle risquait de se crisper et ne plus parler.

*En parler ou ne pas en parler… Telle est la question. -__- *

Une chose était certaine, Mina allait sans doute avoir du mal à accepter Alicia et pourtant il faudrait bien qu’elles s’acceptent toutes les deux sinon ça n’allait pas pouvoir fonctionner… Il faudrait fixer les choses mais sans trop les brusquer… Bon, glisser une petite phrase pourrait amener doucement le sujet? De toute façon il valait mieux qu’elle sache surtout si un jour Akai ou Mina débarquaient…

"Tu serais prête à accepter d’autres personnes qui sont souvent avec moi?"

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*Bon appétit

» Sven Lovick